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U-chroniques

samedi 6 octobre 2012, par Maestro

ImaJn’ère

France, 2012

Sous la Cape / ImaJn’ère, 296 p.

U-Chroniques est une anthologie qui voit le jour grâce au travail de passionnés, ceux de l’association ImaJn’ère, qui avaient eu l’idée d’un tel recueil pour coïncider avec sa convention 2012 à Angers, en cette veille d’été. Ce n’est donc pas le moindre de leurs mérites que d’avoir réussi à faire figurer au sommaire des auteurs reconnus, comme Roland C. Wagner ou Philippe Ward (sans oublier Manchu pour la couverture), à côté de jeunes auteurs passionnés de littérature populaire d’imagination (citons entre autres Julien Heylbroeck, coordinateur de Dimension Super-Héros chez Rivière blanche ou Robert Darvel, pilier du Carnoplaste).

Comme son titre l’indique -avec une mise en page qui se rapproche d’ailleurs furieusement de celle de la collection de BD Jour J-, c’est l’uchronie qui est à l’honneur tout au long de seize nouvelles inédites. Sur un thème plus classique, celui de la patrouille temporelle, Julien Heylbroeck a concocté un récit efficace et à la chute habile, « Diem Perdidi », qui tourne autour de la manipulation de l’histoire avec comme nexus l’assassinat du président de la IIIe République, Sadi Carnot. Le texte de Philippe Ward, « Mourir à Montségur », explore un sujet cher à l’auteur, celui des Cathares, en imaginant, non sans une mélancolie certaine, l’Occitanie tolérante qui aurait pu émerger de la défaite des orthodoxes chevaliers francs… Autre très jolie nouvelle, « Le vol et la nuit », de Romuald Herbreteau : au cœur d’années 1920 dominées par une guerre révolutionnaires entre la Russie soviétique et une Allemagne victorieuse du premier conflit mondial, un soldat poète reprend le flambeau des mains d’un aviateur français trop tôt descendu. Touchant. Dans un registre plus délirant, il faut mentionner Robert Darvel et Batista-Batistuta. Le premier, avec « Oops !... They did it again », imagine l’évolution divergente de la Terre en l’absence de la fin des dinosaures : sous des dehors parfois gaulois (les pets des dinosaures rendant l’atmosphère trop riche en méthane !), on se laisse entraîner dans le flot des néologismes futuristes où surnage l’inoxydable Drucker ! « L’expérience astrale de Mike Mana » est encore plus halluciné, véritable trip onirique qui s’inspire fortement de Matrix, mais dans une veine plus libre et colorée, en une sorte de nouvelle naissance du monde, véritable symbiose des deux principes mâle et femelle rêvée par Platon, avec comme matrice les attentats du 11 septembre… Enfin, autre réussite, « La deuxième bataille de Brandywine », d’Arnaud Cuidet, imagine ainsi une utopie généreuse, née en Amérique grâce à la guérison de La Fayette par un shaman amérindien : une société fraternelle a ainsi pu voir le jour (sans que des détails ne nous soient toutefois délivrés), mais elle est menacée en son bicentenaire par des quasi libertariens. Incorporant une bonne dose d’action, cette nouvelle possède un indéniable dynamisme qui parvient à faire oublier ses légers défauts.

Plusieurs nouvelles, sans être désagréables, ne parviennent pas vraiment à susciter une adhésion pleine et entière. Ainsi, Roland C Wagner, dans « L’été insensé », continue de proposer des compléments à son roman Rêves de gloire, ainsi qu’il avait pu le faire dans Le train de la réalité ; la nouvelle en question revient sur le fameux été 64 à Biarritz, en suivant la genèse du seul témoignage filmique de l’événement. Sympathique mais de peu d’intérêt pour qui ne connaitrait pas un minimum l’univers uchronique en question. « Uchronis » de Jérôme V. se place dans une veine plus dickienne, mettant en scène une tentative de destruction d’une machine génératrice d’uchronies personnelles prise dans une véritable boucle temporelle ; une approche intéressante, mais qui aurait gagné à bénéficier de davantage de développements. Il en est de même pour le texte de Pierre Laurendeau, « Fornax et les Aleximores », rempli de trouvailles et de truculence, autour d’un temps décidément bien fragile, mais que l’on aurait souhaité voir prolongé et approfondi. « Un millionième de seconde d’arc » signé Patrice Verry se situe entre deux eaux. Son hypothèse de divergence est convaincante, mais l’hypothèse d’un monde où cohabitent humains et dinosaures sans que le déroulement de notre histoire en soit sérieusement bouleversé ne convainc pas vraiment.

« Arte 88 » de Jean-Hugues Villacampa propose une manipulation du passé centrée sur le personnage d’Hitler : on comprend toutefois très vite à qui l’on a affaire, et l’auteur évacue toute possibilité d’émergence d’un autre Hitler potentiel dans un contexte identique. Romain d’Huissier, pour sa part, propose avec « I have a dream ! » une déclinaison de la lutte contre la ségrégation des noirs dans les Etats-Unis de la fin des années 50, en remplaçant les afro-américains par des néanderthaliens, le tout vertébré par une enquête de polar qui laisse sur sa faim. Léa Silva et ses « Détails d’importance » se rapprochent de la nouvelle de Jean-Hugues Villacampa, en mettant l’accent sur une ambition familiale contrariée, mais l’univers esquissé -une France où la monarchie n’aurait pas péri en la personne de Louis XVI- manque de solidité. Quant à « Les uchronautes », d’Alexandre Groleau, elle ne parvient pas à surprendre un lecteur familier des histoires de voyages dans le temps, se contentant de reprendre quelques problématiques classiques sans grande originalité.

U-Chroniques comprend enfin des textes franchement plus faibles. Il en est ainsi de « Dobby Ier, Maître du monde », de Sylvie Jeanne Bretaud, une pochade centrée sur le premier fils illégitime et difforme de la reine Victoria, qui fait d’abord carrière dans le proxénétisme avant de devenir souverain du Royaume-Uni suite à l’assassinat de Victoria en 1874 : le but est clairement de faire rire, avec cet empereur libertin, hippie avant l’heure, sans grandes conséquences pour le lecteur. Carrément hors sujet, « Dark Night » d’Artikel Unbekannt (sic) est une évocation de l’enfance de Bruce Wayne, qui hésite entre fulgurances d’écriture et facilités de style, pour un résultat bien trop succinct. U-Chroniques est donc un recueil qui déçoit en partie les attentes que l’on pouvait placer en lui, malgré plusieurs nouvelles sympathiques et quelques-unes franchement réussies.

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