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La clé de l’abîme

samedi 17 novembre 2012, par Maestro

José Carlos SOMOZA (1959-)

Espagne, 2007

Actes Sud, coll. "Babel", 560 pages, 2009.

On sait José Carlos Somoza adepte des romans originaux. On se souvient en particulier de l’étonnant La Caverne des idées, roman historico-philosophique à plusieurs niveaux de lecture qui ne peut laisser indifférent. Avec La clé de l’abîme, l’étrangeté est également de rigueur, les éléments de compréhension n’étant distillés qu’au compte-goutte.

Sur une Terre d’un avenir indéterminé, nous suivons Daniel, employé subalterne du Grand Train en Allemagne, le jour où sa vie bascule : père d’une petite Yun et époux encore transi de la jeune Bijou, il se retrouve au cœur d’une tentative d’attentat, la bombe humaine qui l’a choisi comme confident lui révélant un secret de manière inconsciente avant de mourir… Dès lors, Daniel est convoité par deux groupes distincts, celui des serviteurs d’un énigmatique Maître, qui n’hésite pas à tuer sa femme pour faire pression sur lui ; celui, plus développé, des individus cherchant absolument à entrer en possession de la clef de l’abîme, moyen d’entrer en contact avec ce Dieu censé résider sous les océans.

Dans ce futur incertain, un cataclysme a visiblement secoué la planète et bouleversé l’humanité, conduisant même à la disparition quasi-totale de la reproduction par le biais de la grossesse maternelle ; rares sont alors les humains biologiques, la plupart étant des humains dits de conception, fruit d’une fécondation artificielle voire même de clonages. Surtout, la société semble majoritairement habitée par la foi, foi en la Bible et ses divers chapitres, qui ont engendré autant d’écoles distinctes, et qui laissent peser une certaine angoisse sur cette apparente dystopie. Daniel et ses alliés-ennemis vont ainsi voyager de l’Allemagne au Japon, jusqu’en Nouvelle-Zélande, la terre de Dieu, afin d’élucider le mystère légué par un scientifique nippon.

La clé de l’abîme est en réalité un hommage à Lovecraft et à l’univers qu’il a enfanté, mais aussi une critique de la religion via un déplacement de focale aussi improbable que singulier ; la croyance y est vue littéralement comme une force capable de plier le réel, matérialisation du filtre religieux et de son rôle de catalyseur de forces humaines encore mal comprises. La Bible de cette époque est en effet une compilation de nouvelles signées Lovecraft, de « Dans l’abîme du temps » à « Les Montagnes hallucinées », en passant par « Le Cauchemar d’Insmouth », « La Couleur tombée du ciel », « L’Appel de Cthulhu » ou « L’Abomination de Dunwich ».

Le seul défaut de ce roman, fort de plusieurs visions marquantes, tient à son rythme. Contrairement à La Théorie des cordes, on ne s’attache pas autant aux personnages, peut-être du fait de leur altérité, ce qui accentue l’impression d’une intrigue un peu longue et étirée, d’autant que certaines récurrences sont un peu trop systématiques (les scènes de violence subies par Daniel).

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