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Le Cycle de Shub-Niggurath

samedi 15 décembre 2012, par Maestro

Robert M. PRICE (1954-), dir.

Etats-Unis, 1994, The Shub-Niggurath Cycle : Tales of the Black Goat With a Thousand Young

Oriflam, collection Nocturnes, 1998, 288 pages.

L’entreprise menée par les éditions Oriflam au cours de la seconde moitié des années 1990, consistant à offrir au lectorat français les traductions d’anthologies lovecraftiennes inédites et même d’un cycle -malheureusement interrompu-, œuvre de l’auteur allemand Wolfgang Hohlbein, mérite assurément d’être (re)mise en lumière. Ce volume dédié à la chèvre noire des bois aux mille chevreaux, dont la construction et l’inspiration sont finement mises en lumière par Robert M. Price dans son introduction, comprend quinze nouvelles, que l’on peut regrouper en trois ensembles.

Les premiers textes ne mettent en effet pas en scène Shub-Niggurath, mais constituent d’une certaine manière sa préhistoire. Tous écrits par des Britanniques, ils embaument une ambiance gothique, faite de campagnes hors du temps, de brumes et de cavernes, avec lesquelles contrastent les bibliothèques copieusement fournies et les feux de cheminées revigorants. Tous tournent également autour de ministres du culte, à la conscience plus ou moins tranquille. Si « La Corne de Vapula », de Lewis Spence, est une histoire très classique de pacte signé avec le démon, où la créature cornue n’est qu’un sous-fifre, et si « La Chèvre de Glaramara », de J.S. Leatherbarrow ne fait que décliner le thème de la hantise d’une femme avatar de la traditionnelle sorcière, « La Chèvre démoniaque » de M.P. Dare se révèle plus intéressant, dévoilant un culte d’époque romaine et des mystères chtoniens. L’auteur conclut toutefois son récit par un dénouement diabolique trop prévisible. Quant à la nouvelle « Le curé de Temphill », de Robert M. Price et Peter H. Cannon, plus récente, on peut l’intégrer à ce sous-ensemble, dans la mesure où le mythe lovecraftien n’y apparaît pas, et où le culte décrit s’apparente davantage aux légendes du Baphomet des templiers.

Avec Ramsey Campbell et son « Cristal lunaire », on entre de plein pied dans l’univers lovecraftien, village dégénéré et créature antédiluvienne à la clef ; l’ensemble apparaît toutefois comme trop scolaire. De même, « Le cauchemar de la maison Weir » de Lin Carter s’inspire fortement de la nouvelle « Dans l’abîme du temps », avec en arrière-plan les dholes, sectateurs de Shub-Niggurath. Cette histoire est par ailleurs complétée par « Visions de Yaddith », poème composé sur le modèle des « Fungi de Yuggoth » de Lovecraft et qui est cité dans « Le cauchemar de la maison Weir ». « Le sabbat de la chèvre noire » de Stephen M. Rainey est également relativement prévisible, son intérêt venant de ses deux personnages principaux et de sa chute. Enfin, « Nettoyer la Terre » de Will Murray, bien que d’envergure cosmique, ne convainc pas totalement, les artéfacts qu’il imagine souffrant d’un déficit de crédibilité (quelle facilité relative pour interrompre leur mécanisme infernal !).

On préfèrera à cet ensemble par trop respectueux des créations lovecraftiennes le dernier ensemble, celui des récits les plus originaux et personnels. « L’Anneau des Hyades », de John Glasby, fort de ses visions marquantes, celles des planètes d’Hastur et de Shub-Niggurath, replacée ici en partie dans une généalogie large, ou « La Proie de la chèvre », qui renoue en partie avec l’angoisse de Rosemary’s Baby. Glen Singer, pour sa part, propose dans « Le blues de Harold » une filiation intéressante pour le blues, en croisant pacte faustien (celui du film Crossroads, par exemple) et Grands Anciens. L’anthologiste en personne se fend d’un texte, « Les Mille chevreaux », qui s’impose comme un des meilleurs du recueil, du fait de son personnage, ô combien cynique, et de son dénouement, centré sur la dimension sexuelle de Shub-Niggurath. Il en est de même pour Richard L. Tierney, qui met en scène Simon le magicien dans « La semence du dieu-étoile », Shub-Niggurath se dissimulant sous le masque d’Artémis d’Ephèse.

Le seul texte hors-sujet est « Grossie », de David Kaufman. Bien que d’une notable efficacité quant à son atmosphère d’inquiétude croissante, il laisse subsister une impression d’inachevée, la créature que l’on devine n’étant, à aucun moment et par aucun indice suffisamment probant, jamais réellement identifiée. Le mystère reste donc entier, y compris sur les raisons qui ont poussé l’anthologiste à la glisser dans ce recueil.

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