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Dimension Compagnie des glaces
samedi 26 janvier 2013, par
Noé GAILLARD (dir.)
France, 2012
Black Coat Press, coll. "Rivière blanche", 328 p.
ISBN : 978-1-61227-151-4
Le cycle de la Compagnie des Glaces est un monument de la science-fiction française, un roman feuilleton qui est un véritable Amazone du genre, et une des plus belles réussites du Fleuve Noir. Proposer une anthologie de nouvelles situées dans cet univers et écrites par des auteurs rendant ainsi hommage à la création de G.J. Arnaud est donc une idée tellement excellente qu’on est étonné qu’elle n’ait pas été plus tôt concrétisée. C’est à Noé Gaillard, auteur de l’Encieclopédie des Glaces (sic) qui clôturait le dernier tome des rééditions de la première série du cycle en 2000, qu’est échue la direction de cette entreprise. Il a ainsi sélectionné dix textes, auxquels il manque seulement une petite présentation de chaque auteur et une explicitation de leur intérêt respectif pour la Compagnie des Glaces…
Les premiers souffrent malheureusement du même défaut : leur caractère trop bref, qui laisse le lecteur sur sa faim. L’idée fructueuse de Jacques Baudou, croiser dans « La Chose dans les glaces » le monde des compagnies ferroviaires avec Le Sphinx des glaces de Jules Verne (et par-delà Edgar Allan Poe), reste à l’état d’esquisse prometteuse ; Boris et François Darnaudet sont également trop allusifs dans « Le Java des bombes atomiques », intrusion du voyage temporel dans le monde de G.J. Arnaud. De même, Alain Dartevelle « En compagnie des glaces » nous propose le portrait d’un Lien Rag vieillissant et hanté par ses obsessions sexuelles dont on ne parvient pas à voir comment il pourrait s’insérer dans la saga, surtout avec une Yeuse aussi jeune, à moins qu’il ne s’agisse que d’un songe dû à la sénilité... Mais cette veine assez libre est explorée au plus profond par Jan Thirion avec « Lady Chatterley dans les étoiles », son -trop- long texte évoquant même la liberté des années 70 dans sa mise en scène d’une sexualité débridée et sa forme assez lâche. Difficile d’accrocher à une réflexion centrée sur le ménage, aussi bien celui de la mémoire que d’un environnement en huis-clos qui ne se rattache que par quelques fils à la Compagnie des Glaces (Lien-Rag y est marié au personnage principal, et leurs deux enfants se nomment Jdrien et Yeuse).
« Lentement » de Noèl Druillard s’intéresse à une Yeuse tout juste héritière de Lady Diana et qui doit faire face à un complot. De cette intrigue bien menée, on retiendra en particulier le conflit aux résonances toujours actuelles entre enseignement public et écoles confessionnelles. Alain Blondelon choisit, dans « Le saboteur des glaces », de combler un vide narratif entre les premier et deuxième épisodes de La Compagnie des Glaces, avec un récit efficace à défaut d’être transcendant, au sein duquel on appréciera surtout la tentative de déstabilisation de la Transeuropéenne par la Panaméricaine et la présence de Floa Sadon la nymphomane. « Pour une larme de soleil » de Pierre Bameul vaut surtout pour son idée de quête et son objectif, qualifié de façon très poétique, mais sa nouvelle souffre d’une chute trop rapidement prévisible et d’un contexte insuffisamment explicité (est-on proche de la fonte des glaces ? Si oui, comment des communautés ont-elles pu survivre aussi longtemps à l’écart de la loi des compagnies ?).
Les contributions de François Rahier et Brice Tarvel sont à l’inverse plus convaincantes. « La locomotive du bout des mondes » pouvait pourtant refroidir l’enthousiasme du lecteur, puisque son point de départ est celui du propre univers de l’auteur, exposé en particulier dans le roman Le Canevas des dieux paru chez Rivière blanche. Mais grâce à une plume pleine d’allant, de style et de fougue, François Rahier réussit à nous entraîner dans ce basculement entre deux mondes, et même à nous toucher via ce lien entre résistance et manque de considération vis-à-vis d’une humanité jugée inférieure, ainsi des Roux dans la Compagnie des Glaces. « Seul le froid » est moins ambitieux dans son propos, mais fait également mouche. Brice Tarvel choisit en effet de s’intéresser à une marginale, rénovatrice du soleil mystique, dont les deux raisons de vivre tiennent dans son fils adoptif, un Roux, et sa volonté d’atteindre un pavillon enfouie dans les glaces… Mais tout bascule le jour où un agent de la Sécurité jette son dévolu sur elle, peu de temps avant que son refuge ne soit condamné à la destruction. La chute finale est un atout supplémentaire de ce texte émouvant. Enfin, « Progénitures » de Géraldine Nollo est sans doute la nouvelle la plus originale, de par son emboîtement transtextuel, véritable mise en abyme des romans d’espionnage de G.J. Arnaud au sein du monde de la Compagnie des Glaces.
L’Encieclopédie des glaces précédemment citée est par ailleurs republiée pour compléter l’ouvrage. On aurait toutefois apprécié une actualisation, tenant compte en particulier des Chroniques glaciaires de G.J. Arnaud, ainsi qu’une analyse critique inédite sur les prolongements de l’œuvre du maître (jeu de rôles, BD, série télévisée…). Dimension Compagnie des glaces, à défaut d’être l’anthologie ultime sur le sujet, n’en constitue pas moins une première mise en bouche, qui laisse logiquement le passionné insuffisamment comblé.
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