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REAL HUMANS : 100% HUMAINS (Saison 1)
Les Hommes qui n’aimaient pas les robots
samedi 5 octobre 2013, par
Créateur : Lars LÜNDSTROM
Suède, 2012, Äkta människor
Andreas Wilson, Lisette Pagler, Pia Halvorsen, Johan Paulsen, Leif Andree, Eva Röse
Ces dernières années, les séries britanniques et scandinaves ont le vent en poupe. Toutes ne relèvent pas de la SF ou du fantastique : il n’est qu’à voir la célèbre Sherlock et la mini-série moins connue State of Play qui devient Jeux de pouvoir devant les caméras américaines, mais aussi la série danoise The Killing. A la différence des séries françaises, fantastique et SF ne sont pas cantonnés aux productions pour enfants. Un jour il faudra que je prenne le temps de regarder à nouveau l’excellent Jekyll créé par Steven Moffat, le papa de Sherlock. Dernièrement, c’est Real Humans : 100% humains, une série suédoise heureusement diffusée (et co-produite) par ARTE en avril-mai dernier, qui m’a plutôt marqué (et pas seulement par la redondance de la traduction malheureuse de son titre !).
Dans Real Humans, les androïdes font partie de la vie courante : domestiques, compagnons des personnes âgées, employés à toutes tâches sans oublier celles du plus vieux métier du monde, les Hubots ne se distinguent guère des vrais humains que par leur plastique quasi-irréprochable - encore que certains modèles présentent un embonpoint ou un physique de gouvernante austère quoique charnue -, leur docilité et une prise USB dissimulée sur la nuque. Etant des machines, ils sont traités comme telles : ils font l’objet d’un contrôle technique, sont volés et revendus au marché noir ou mis sur le trottoir.
Au début de la série, un groupe d’hubots guidés par un humain nommé Léo connait quelques déboires au cours de leur errance nocturne : l’une d’entre eux, Mimi, est enlevée par des trafiquants de hubots et Léo se lance à sa recherche laissant le groupe entre les mains de l’inquiétante hubot Niska. On apprend peu à peu que Léo est le fils d’un des plus géniaux créateurs de hubot et que ses créations - ses enfants comme ils aiment à s’appeler - manifestent un esprit d’indépendance qui les pousse à rechercher leur liberté et à affirmer leurs droits à l’instar d’être humains. Tandis que Leo entreprend difficilement de retrouver Mimi, celle-ci est reprogrammée et revendue à la famille Engmann qui n’a jamais eu de hubot auparavant. Il se trouve que le père de madame Engmann a des déboires avec son vieil hubot Odi et doive en changer notamment à cause de son état de santé, ce qu’il a du mal à accepter. Ce qui est compréhensible quand on voit le cerbère avec lequel il se retrouve. Coïncidence cocasse, les voisins des Engmann, Roger et Thérése se séparent : Roger, qui assiste à son travail au remplacement progressif des humains par les hubots, n’accepte plus la proximité - pas (encore) sexuelle - qui lie Thérése à son hubot coach sportif et devient violent. Thérèse quitte le domicile avec son fils Kevin et se rapproche de son hubot ; Roger rejoint le mouvement 100% Humains qui proteste contre le point croissant des hubots dans la société. Au sein de ce mouvement, Carl veut aller plus loin que la manifestation.
On l’aura compris Real Humans aborde le thème des robots d’une manière originale pour la télévision où ceux-ci sont d’habitude cantonnés au cinéma d’action. Loin de s’intéresser aux lois d’Asimov ou d’imaginer un complot visant à remplacer les humains par des hubots (remplacer, non, mais détrôner...), la série suédoise, coproduite par ARTE, se penche sur la dimension sociale du phénomène, mais aussi sa dimension intellectuelle. Si la première est une métaphore de la question de la présence de l’étranger, exploité économiquement, dans une communauté et des sentiments de rejet que génère cette présence, mais cela ne se limite pas à cela. C’est toute la question de l’altérité qui est posée, comme l’illustrent les sentiments que suscite Mimi chez Tobias, le fils Engmann. Non sans ambition, la série se penche aussi sur la situation des personnes âgées dans la société contemporaine. Elle couvre donc un large panel des questions sociétales.
Allant plus loin, elle peut amener à s’interroger sur la nature de l’être humain. A quel moment est-on humain ? C’est toute l’importance de la rencontre du groupe de hubots fugitifs avec Åsa, la pasteur luthérienne, et Eva son épouse. A l’image du modèle social suédois, la série pousse la tolérance très loin.
Dire que la série ne serait pas critique envers ce modèle, souvent à la différence des polars scandinaves qui nous parviennent chaque année plus nombreux sur les présentoirs des librairies, serait abusif. D’une part parce que les hubots libres présentent bel et bien un danger pour la société puisqu’ils ne reculent pas devant la violence, attirant à leurs trousses une équipe de la section hubot de la police. D’autre part parce qu’avec son esthétique très proprette, très lissée, perceptible dans l’intérieur de la famille Engmann, digne des salles d’exposition Ikea, mais aussi dans le maquillage des acteurs jouant les hubots, la série peut bien pointer du doigt l’hypocrisie d’une société moralisante - Mme Engmann en incarne la dimension respectable en tentant de vivre selon ses principes - qui cache ses vices.
Vous avez souvent l’occasion de voir une fiction aussi intelligente made in France ?