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22/11/63

In the Mood

samedi 22 juin 2013, par von Bek

Stephen KING (1947-)

Etats-Unis, 2011, 11/22/63

Albin Michel, 2013, 937 p.

Il faut l’avouer, je n’ai pas une grande expérience de Stephen King, n’ayant pas beaucoup de goût pour l’horreur. Je n’ai jamais lu de lui que Minuit 4, Différentes saisons et La ligne verte. Et encore, j’avais trouvé le premier tellement mal écrit que c’est le cinéma qui m’a ramené à lui, via Les Evadés bien sûr. Mais une histoire de voyage dans le temps, mon péché mignon, avec pour ressort l’empêchement de l’assassinat de Kennedy, voilà qui a de quoi motiver. Je n’ai pas été déçu, bien au contraire.

Jake Epping est professeur d’anglais au lycée de Lisbon Falls dans le Maine. Il attribue la responsabilité de tout ce qui est arrivé à Harry Dunning, le concierge handicapé du lycée, parce qu’il a réussi à le faire pleurer dans une rédaction, lui qui ne pleure jamais. Je ne suis pas d’accord avec lui, car, selon moi, c’est Al Templeton, le patron du snack réputé pour ses savoureux et étrangement peu onéreux hamburgers, qui est plutôt à l’origine du problème. Si Al n’était pas persuadé qu’empêcher l’assassinat de Kennedy aurait évité bien des tragédies aux Etats-Unis, à commencer par la guerre du Vietnam, et s’il n’avait pas découvert des années auparavant, dans son arrière-boutique, un passage débouchant inévitablement vers le 9 septembre 1958 un peu avant midi, rien de tout cela ne serait arrivé. Car Al, ayant un cancer, ne peut mener à bien la mission. Ce qui en soit n’est pas très grave puisqu’elle peut être recommencée maintes et maintes fois, chaque passage remettant à zéro le compteur. Celui qui s’enfonce dans l’arrière-boutique d’Al émerge invariablement le 9 septembre 1958, un peu avant midi. Invariablement, du moins Al le croit-il. Qui plus est, Jake a sa part de responsabilité. Quelle idée de se servir du drame survenu dans la vie d’Harry Dunning pour tester des éventuelles conséquences de la modification de la trame historique ! Tout part de là. Et passe par la foutue ville de Derry, par la Floride et finit au Texas, le 22 novembre 1963, le jour de l’assassinant de Kennedy. Entre le 9 septembre 1958 et ce jour, il y a cinq longues années passées dans les Etats-Unis de l’époque. Les assassins ne manquent pas et les victimes non plus.

Lisant... non, dévorant, 22/11/63, je trouvais fascinant à quel point les Américains pouvaient être persuadés que si Kennedy n’était pas mort, bien des choses auraient été évitées. J’évoquais la guerre du Vietnam, mais il ne s’agit pas seulement d’elle, mais aussi des assassinats de Martin Luther King et Bobby Kennedy. Je ne pouvais pas me tromper davantage.

Il faut dire que j’étais complétement abusé par l’auteur. Son récit tient à la fois de la reconstitution minutieuse et de la description nostalgique de l’Amérique des années 60. S. King a eu onze ans en 1958. C’est assez pour garder un souvenir de l’époque, même idéalisé par la distance temporelle qui grandit de jour en jour. A aucun moment cependant il ne se berce d’illusion et n’érige l’Amérique d’antan en utopie, très conscient par exemple de son conservatisme et de son racisme. Pour plein de chose, c’est quand même un âge d’or. Il m’a littéralement plongé dedans et ce fut un véritable plaisir. J’avais crû aux boniments de Al, pris comme une facilité narrative pour échapper aux paradoxes temporels.

Il faut dire qu’à certain moment on oublierait presque que Jake a voyagé dans le temps, n’eut-été que sa préscience des mouvements de Lee Harvey Oswald que King a reconstitués grâce à une solide documentation pour accoucher de ce gros pavé jouissif, presque un livre d’histoire sur la vie quotidienne de l’âge d’or américain.

Par ailleurs, même un novice dans l’univers kingien comme moi avait suffisamment de références de base sur le monde de l’auteur pour apprécier les multiples références à ses autres œuvres semées dans le roman selon l’habitude ai-je constaté en voulant vérifier si j’avais bien saisi tel ou telle allusion. Je ne suis après tout pas complètement ignare et la référence à un clown tueur m’évoque forcément Ça ! et Shawshank [1] m’est bien connue, je l’ai déjà évoquée. Avec pour conséquence l’envie de lire d’autres romans de ce maître conteur.


[1La prison où se déroule l’histoire des Evadés, adapté d’une nouvelle du recueil Différentes saisons.

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