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Destination Mars

samedi 3 août 2013, par Maestro

Marc BAILLY (1964-)

France, 2013

Riez, coll. "Brumes étranges", 348 p.

Voilà un ouvrage qui aurait tout à fait pu s’intégrer à la série des Dimensions publiées par Rivière blanche. Cette anthologie comprend en effet douze nouvelles, complétées par deux articles de synthèse consacrés à la postérité littéraire et cinématographique de la planète rouge : le premier, signé Marc Van Buggenhout, souffre de son caractère superficiel et incomplet, alors que le second, œuvre de Jean-Pierre Andrevon, est autrement plus charpenté (rappelons qu’une Encyclopédie du cinéma de science-fiction réalisée par ce dernier paraît cette année). Le risque, au vu du sujet, est évidemment de verser dans la redite et le manque d’originalité, tant Mars a suscité l’inspiration des écrivains (Barsoom, chez Burroughs, et non Pellucidar, ainsi que cela apparaît dans l’avant-propos de Marc Bailly).

Au rang des textes les moins convaincants, on trouve « Le syndrome martien », de Brice Tarvel, qui souffre de non-dits (pourquoi cette ambassade terrienne visiblement inutile sur Mars ?) et d’incohérences (comment est-il possible que les véritables formes de vie martiennes n’aient pas été découvertes plus tôt ?), en plus de proposer ce qui n’est finalement qu’une variante de la fameuse conclusion des Chroniques martiennes de Ray Bradbury. On peut en rapprocher « Celui qui attend », de Dominique Douay, ou l’incorporation par une des ultimes formes de vie autochtones d’un des derniers survivants d’une expédition terrienne ; si l’idée d’utiliser des forçats comme astronautes est intéressante, subsiste l’impression de ne pas avoir réussi à pénétrer au cœur du sujet. « Les sculpteurs de Mars » de Jean-Louis Trudel souffre de son caractère de récit pour la jeunesse, ainsi que de sa brièveté, les choses sérieuses commençant réellement à la fin de la nouvelle. Quant à « Restez chez vous », de Marc Van Buggenhout, c’est un texte léger, qui se moque, à travers les investissements touristiques douteux d’une civilisation galactique sur Mars, des faiblesses de notre humanité actuelle : tout au plus sympathique. Si Daniel Walther, avec « John Carter vs Olympus Mons », est en plein dans le sujet, son texte ressemble davantage à une succession d’impressions de lecture, un ensemble hybride, disparate, entre l’essai et l’hommage. Il convient par ailleurs de mettre à part « 118h avant la fin », de Hugo Van Gaert, très courte nouvelle carrément hors sujet, avec son évocation d’un pilote de navire colon ne supportant pas l’idée que le voyage s’achève, sur une planète extra-solaire simplement baptisée Mars II.

Jean-Pierre Andrevon, pour sa part, livre un texte remanié, originellement inclus dans le recueil de 1971 Ca se produira bientôt : « Le caillou de Mars » est une histoire d’épidémie relativement classique, variante de l’invasion venue de Mars, mais qui vaut surtout par son évocation à la base, forte d’une grande authenticité et de beaucoup de chair. Ce sont également des qualités du texte de Gulzar Joby, « Mars l’ancienne », qui imagine que ce sont des vétérans que l’on enverra sur la planète rouge, pour un voyage sans retour ; néanmoins, ce long récit, touchant par certains moments, se perd dans des allers retours temporels trop peu explicités, et ne justifie pas suffisamment son postulat de départ. Au rang des textes les plus réussis, il y a d’abord « Le gaucho de Mars », de Jonas Lenn, initialement publié il y a une quinzaine d’années. Loin du texte militant et engagé qui imaginerait une révolution communiste sur Mars, il s’agit en réalité de la transposition de la pampa argentine sur les plaines martiennes, une vision non dénuée d’une certaine poésie, quand bien même l’intrigue centrale, la possession du gaucho en question par une forme de vie extra-terrestre, apparaît plus classique, perdant d’autant en force. « Les chants de Mars », de Jean-Jacques Girardot, est la seule nouvelle qui aborde des perspectives véritablement vertigineuses, avec son récit très « baxterien » du dernier survivant de l’humanité qui érige sur Mars une réplique de la Tour Eiffel afin de diffuser la musique de l’espère disparue… Un texte d’autant plus séduisant qu’il est largement disséqué par l’auteur lui-même.

On sent que Thierry Di Rollo, dans « Aube dernière », s’est également livré, conjurant le spectre de la mort de celle avec qui la relation ne peut être qu’unique, mais l’ensemble reste un peu impressionniste. Franck Roger, pour sa part, explore une thématique prometteuse dans « Ciel rouge, Sable rouge », celle de la division interne aux colons martiens entre partisans d’un productivisme à la terrienne et défenseurs terroristes d’une écologie profonde locale, mais il le fait davantage sous la forme d’un synopsis que d’une nouvelle empathique, proposant par ailleurs une fin au tragique forcé. Un bilan très mitigé, donc, pour cette anthologie souvent un peu plate, au sein de laquelle les Olympus Mons sont trop rares.

Messages

  • Bonjour,

    Ma lecture terminée, j’avoue que je suis restée sur un sentiment plus que mitigé. Je pense ne pas avoir compris l’objectif de l’anthologiste : pour moi, Mars n’a pas été mise en valeur dans cette anthologie. Une déception.

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