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Le Profanateur
samedi 20 juillet 2013, par
Philip K. DICK (1928-1982)
Etats-Unis, 1956, The man who japed
Le Profanateur, également traduit sous le titre Le Détourneur, est un des romans de Dick qui précède l’acmé de sa créativité. Court, il est surtout très linéaire, n’innovant pas sur le plan formel, et le questionnement sur le réel, qui est un des thèmes de prédilection de l’auteur, n’est encore qu’esquissé.
Allen Purcell est le directeur d’une agence chargée de fournir aux médias officiels des scénarios. Sur cette Terre du début du XXIe siècle, la société présente en effet de sérieux aspects totalitaires et bureaucratiques. Depuis une guerre probablement mondiale et atomique qui n’est jamais véritablement décrite, survenue à la fin du XXe siècle, une réaction morale s’est mise en place, sous la houlette du légendaire major Streiter. La nouvelle société est donc clairement puritaine, et les actes de chacun sont sous surveillance, soit des Cohortes, milices fanatiques du Rémor (alias le Réarmement moral), soit de ses propres colocataires, qui se réunissent chaque semaine dans une vaste séance d’autocritique, versant fréquemment dans de véritables procès. Outre ces spectres typiques des années 50 -risque de guerre, de surpopulation (les couples vivent dans une pièce unique et interchangeable), de pouvoir autoritaire, pouvoir croissant des médias-, on notera également que les anormaux, les asociaux, ont une destination toute trouvée : les colonies planétaires, chargées de produire la nourriture nécessaire à la planète-mère, devenue une seule et unique conurbation. Au sein de cette société plutôt grise, le petit bourgeois Allen Purcell apporte de la couleur, d’abord en côtoyant des marginaux sur l’île d’Hokkaido, qui lui font découvrir la magie de la lecture (en l’occurrence un exemplaire du Ulysse de James Joyce ayant échappé à la censure), et surtout en transgressant tous les codes. Il prend en effet le risque de décapiter la statue du major la plus proche de chez lui, alors même qu’il semble pouvoir gravir les échelons de la réussite sociale en devenant responsable de l’entreprise unique des médias officiels.
Succession de rebondissements et d’aventures parfois cocasses que subit Allen Purcell, Le Profanateur, au-delà de sa dimension de critique sociale -l’éloge de la liberté contre tous les conservatismes et toutes les aliénations-, est également un terrain d’essai pour K. Dick. Purcell est en effet soupçonné par son thérapeute d’avoir un pouvoir de précognition, et les séances d’hypnose qu’il lui fait subir font un temps croire qu’il a basculé dans un autre univers, une autre réalité moins rigide. Mais l’explication de cet apparent dédoublement est en fait parfaitement logique, et le lecteur reste partiellement sur sa faim.