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Dimension préhistoire

samedi 27 juillet 2013, par Maestro

Meddy LIGNER (1974-), dir.

France, 2013

Black Coat Press, coll. "Rivière Blanche", 260 p.

ISBN-13 : 978-1-61227-204-7

Voilà une anthologie aussi surprenante que brillante dans son résultat final. On pourrait en effet croire que les fictions préhistoriques, rendues célèbres par des auteurs comme Rosny aîné ou Jean M. Auel, sont très éloignées de la science-fiction et du fantastique, qui sont le domaine privilégié de Rivière blanche. En réalité, comme le démontre avec brio Marc Guillaumié dans son passionnant et dense article conclusif, le roman préhistorique est « le double obscur, le minuscule reflet inversé du grand genre science-fictionnel » (p.238).

Quatorze nouvelles sont au programme, toutes contemporaines, à l’exception du texte d’Elie Berthet, « Les Parisiens à l’âge de Pierre », dans lequel ce précurseur du genre nous dresse d’une manière très didactique le tableau du site de Paris au Paléolithique, une mise en bouche qui donne furieusement envie de lire le recueil Paris avant l’histoire. La plupart des nouvelles privilégient une veine plutôt réaliste, sans perfusion d’éléments transgenres. Dans « Le frisson de la savane », Rachel Tanner, déjà auteure du plaisant Le Rêve du mammouth chez Rivière blanche, imagine l’étape cruciale que constitue la découverte de l’arme, sous la forme d’un pieu de bois, par une contemporaine probable de Lucy. « D’un versant à l’autre » d’Antoine Lencou est une histoire à l’intrigue a priori très simple, mais qui transpire d’humanité : celle de cette mère en pleine souffrance de l’accouchement, ou de ce chef de village déchu. Les petites vignettes de Pierre Gévart (directeur de la nouvelle revue Galaxies) sont des instantanés de la vie animale à différentes époques, brossant aussi bien le portrait d’iguanodons au destin tragique que d’humains en train de déplacer un futur mégalithe. Tous ces textes s’avèrent indéniablement fort plaisants.

Le fantastique s’insinue dans trois autres nouvelles. « Pour que s’anime le ciel factice », signé Frédérick Durand, décrit ainsi un jeune artiste peintre des cavernes, qui parvient à trouver l’épanouissement en même temps que ses paysages extrêmement réalistes semblent agir sur le climat réel. Autre trace d’un pouvoir évoquant le chamanisme, « Au temps des Aurochs » de Jess Kaan, sobre et touchante histoire d’une orpheline et d’un sorcier qui l’initie aux savoirs secrets des esprits… Ce dernier texte est également appel à l’harmonie entre l’homme et son environnement, une problématique très actuelle (« (…) cette fusion nécessaire entre l’homme et sa mère », Gaïa, p.129). « L’homme qui fit couler une mer » de Jean-Louis Trudel s’en rapproche également, en présentant une divinité préhistorique agissant pour sauver un couple constitué par amour au nord de l’Amérique, mais au prix de la toute dernière glaciation de l’histoire.

Relèvent plus directement de la science-fiction les textes de Pierre-Alexandre Sicart, Ariane Gélinas, Orson Scott Card et Jean-Michel Calvez. « Eve », du premier, décrit l’expédition menée par deux extra-terrestres sur une Terre encore préhistorique, visant à trouver une planète destinée à accueillir le trop plein de population de leur espèce. Les manipulations qu’ils opèrent sur le patrimoine génétique de nos lointains ancêtres peut laisser penser qu’ils seraient au moins en partie à l’origine de l’étincelle d’intelligence, mais ce récit touchant, bien qu’un brin forcé (Amadria semble assimiler un peu trop aisément le savoir de sa seconde mère), est aussi une critique du droit d’ingérence et de l’expansionnisme de notre civilisation industrielle, destructrice de l’environnement. « La mémoire ensevelie » d’Ariane Gélinas est sans doute la nouvelle la moins convaincante de l’anthologie. Il faut dire qu’avec son crâne de cristal et sa survivante de l’Atlantide qui vient transmettre son savoir au membre d’une tribu préhistorique, l’originalité n’est pas vraiment au rendez-vous : des non-dits et des personnages insuffisamment convaincants renforcent cette impression de faiblesse. Au contraire, Orson Scott Card, dont la nouvelle date de 2008, est plus original. « Guéris-toi toi-même » est en effet un texte à l’axe hard SF plutôt déstabilisant : il fait de l’intelligence le résultat d’une anomalie, d’une maladie qui, si elle n’avait pas eu lieu, aurait maintenu l’humanité au stade de néandertal. Dommage toutefois que le substrat narratif soit brossé aussi sommairement. Quant à « Chute libre, sans temps imposé », de Jean-Michel Calvez, il conclut avec humour le recueil, en partant de la tentative d’un nouveau record en chute libre à partir de la stratosphère, pour terminer par la vanité d’une telle entreprise face aux forces de nos origines, via un vague prétexte hard-science…


Pour commander Dimension préhistoire suivez le lien vers les éditions Black Coat Press !

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