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ELYSIUM

samedi 24 août 2013, par Maestro

Neill BLOMKAMP (1979-)

Etats-Unis, 2013

Matt Damon, Jodie Foster

Neill Blomkamp, réalisateur du remarqué District 9 en 2009, est donc désormais entré dans la cour des grands d’Hollywood. Son nouveau film, Elysium, bénéficie en effet d’un casting plutôt prestigieux (Matt Damon et Jodie Foster, excusez du peu !) et d’un budget conséquent. Marque supplémentaire de la confiance dont il semble bénéficier, il en est à la fois le réalisateur et le scénariste.

L’action du métrage se situe au milieu du XXIIème siècle. La Terre a vu s’accentuer ses problèmes de pollution et de surpopulation, entraînant la fuite de ses élites fortunées en orbite. Ces dernières sont désormais installées dans une station spatiale nommée Elysium, véritable paradis cosmique, fait de grands jardins, de piscines et de villas somptueuses ; cerise sur le gâteau, chaque demeure est équipée d’une unité médicale informatisée, capable de soigner toutes les maladies existantes, mais câblée sur les seuls occupants reconnus de la dite demeure. Sur Terre, ne restent donc que les petits, les sans grades, contraints de trimer ou de trafiquer pour survivre. Max est un orphelin, recueilli par des bonnes sœurs. Ayant fait la connaissance de Frey, jeune fille tout aussi esseulée que lui, il lui fait la promesse de l’emmener un jour sur Elysium… Devenu adulte, Max, après une vie dans l’illégalité et un séjour en prison, est en probation. Il travaille dans une usine d’une compagnie toute puissante, fabriquant des droïdes de sécurité, et qui a également mis au point les protocoles de sécurité d’Elysium.

Tout bascule le jour où Max reçoit une dose mortelle de radiations dans le cadre de son travail. N’ayant plus que quelques jours à vivre, il décide de renouer avec Spider, chef d’un gang expert en informatique, qui lui propose un plan extrêmement risqué : capturer un Elysien de passage sur Terre, afin de lui pirater ses données cérébrales, gages d’une entrée en toute sécurité dans le paradis orbital. Equipé d’un appareillage informatique intégré dans son crâne et d’un squelette démultipliant ses capacités physiques, Max parvient à s’emparer des données de John Carlyle, PDG de l’entreprise pour laquelle il travaillait. Mais Delacourt, la responsable de la sécurité d’Elysium, qui fomentait un coup d’Etat avec la complicité de Carlyle, veut à tout prix remettre la main sur ces données. Max va alors devoir lutter contre le redoutable Kruger, tueur à gages au service de Delacourt, tout en s’efforçant de sauver les vies de Frey et de sa fille, atteinte d’une leucémie incurable. La solution ne se trouve nulle part ailleurs que sur Elysium.

Reconnaissons d’emblée à Neill Blomkamp l’originalité de son scénario, et le professionnalisme de ses acteurs, même si pour Kruger, il force un peu le trait du personnage vraiment méchant. De même, les aspects gore qui émaillent le film sont assez réjouissants. Les spectateurs de District 9 ne manqueront d’ailleurs pas de reconnaître des éléments déjà utilisés par le réalisateur : des paysages urbains proches de ceux de l’Afrique du sud (on est ici dans un Los Angeles largement (ré)hispanisé), le design des véhicules ou de l’armure de Max, jusqu’à un clin d’œil à son pays natal (le drapeau de l’Afrique du sud figurant sur le vaisseau de Kruger). Enfin, les vues sur Elysium sont tellement superbes qu’on regrette de ne pas en voir davantage. Les choses commencent à devenir plus discutables avec les scènes d’action : relativement nombreuses, elles pâtissent de leur caractère par trop saccadées et donc peu lisibles, une tendance extrêmement répandue à Hollywood (souvenons-nous seulement de Total Recall - Mémoires programmées). De même, certaines incohérences posent problème. La plus sérieuse de toute tient au climax, qui se déroule donc sur Elysium. Celle-ci semble en effet chroniquement dépourvue de systèmes de sécurité internes, laisse se poser sans difficultés une navette non autorisée (alors que celles qui étaient dans cette situation au début du film ont été désintégrées), et ses droïdes ne font leur apparition que dans les ultimes minutes du métrage ! Difficile d’avaler une telle couleuvre, surtout que les catégories sociales qui se sont ménagées cette résidence hors du commun ont certainement dû anticiper sur de possibles attaques de la masse humaine exclue de ce havre de paix. On peut également trouver curieux que Carlyle prenne le risque de faire des allers retours entre Elysium et la Terre, seulement protégé par deux droïdes, alors qu’il lui aurait été tout aussi simple de gérer ses usines de l’espace… Une façon de faire qui semble bien peu conforme au syndrome d’enfermement dont semblent souffrir les nantis du futur.

Dernier point gênant d’Elysium, le fait qu’on ait affaire à un film sans mémoire, comme figé dans l’instant présent. Non seulement en plus d’un siècle, aucun changement notable n’est décelable dans la vie quotidienne des habitants de la Terre, mais surtout, aucune explication un tant soit peu développée ne nous est fournie sur le pourquoi du comment. Quel a été le processus ayant conduit à la création d’Elysium ? Les élites de tous les pays s’y sont-elles associées ? Comment les populations se sont-elles laissées faire sans réagir ? Même le passé des personnages principaux demeure opaque, de l’itinéraire de Kruger (pouvant expliquer ses motivations profondes), à ceux de Max et Frey, en charge d’une fille dont on ne connaît jamais le père… Ce n’est d’ailleurs pas uniquement le passé qui n’existe pas, le futur également. Car enfin, même si le final résonne comme une réparation face à un déni de justice éclatant, résoudre les problèmes médicaux de l’humanité ne suffira pas à solutionner une situation dramatique : la santé n’est pas un élément hors-sol, que diable ! Il est vrai que ce qui semble avoir primé, aux yeux de Neill Blomkamp, c’est avant tout la dimension métaphorique de son œuvre, cruellement d’actualité. Car qu’est-ce qu’Elysium, sinon la déformation de ces quartiers surveillés réservés aux riches, de l’impossible forteresse qu’aimeraient pouvoir devenir les pays développés face à l’immigration sauvage (visible ici dès le début du film, avec ces navettes remplis d’émigrants illégaux, qui meurent au cours de la traversée…) ? La fracture spatiale -sic- oppose ainsi la bourgeoisie mondiale, mue par son égoïsme systémique, aux masses prolétaires, jusqu’à l’extrême, voire la caricature, comme lorsque sont juxtaposés l’environnement calme du PDG de Carlyle, bercé par de la musique classique, et celui de Max, fait du vacarme des machines et d’une bande son techno éminemment populaire.

Elysium véhicule ainsi un réel message critique, social plus que politique, au demeurant. Le salut vient en effet d’une individualité surhumaine, augmentée, quasi christique, Max mourant sur sa croix de métal, se sacrifiant pour le salut de ses semblables, après avoir été en proie au doute, mais réalisant ainsi la prophétie de sa destinée manifeste défendue par une des bonnes sœurs de l’orphelinat.

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