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Les Compagnons de l’ombre - 12

samedi 31 août 2013, par Maestro

Jean-Marc LOFFICIER (1954-)

France, 2013

Black Coat Press, coll. "Rivière blanche", 300 p.

La série des appariements débridés de l’imaginaire poursuit son cours infatigable avec pas moins de dix-sept nouveaux récits. On y retrouve certains habitués des tomes antérieurs, Léo Saint-Clair alias le Nyctalope (pour deux nouvelles de qualité) et surtout la confrérie criminelle des Habits noirs, créée par Paul Féval.

Le Nyctalope, donc, a droit à de nouveaux éclairages sur le versant de sa vie le moins glorieux, celui des lendemains de sa chute. « Les monstres de l’espace » de Roman Leary est assez jubilatoire, confrontant non sans malice le super-héros français -embauché un temps comme cuisinier !- à des envahisseurs extra-terrestres typiques de l’époque, traités ici sous un angle bien plus nuancé et intelligent. « La bataille de Steam Town », de Travis Hiltz, est également une jolie réussite, bâtie sur une autre invasion, celle des fourmis géantes de Them ! (Des monstres attaquent la ville), à laquelle s’opposent le Nyctalope ainsi que deux personnages du roman de Jack Kerouac, Sur la route. On peut rattacher à ces deux nouvelles celle, tout aussi efficace, de David McDonald, « Gel diplomatique », puisqu’un des protagonistes n’est autre que le père de Léo Saint-Clair, ici épaulé par Flashman et Bill Ballantine (déjà associés dans « Triple jeu » du tome 10 des Compagnons) face aux dangers du Peuple du pôle de Charles Derennes (récemment republié en anglais par la maison mère de Rivière blanche). « Nestor Burma au Far West », enfin, œuvre de Joshua Reynolds, se rapproche en partie de « La bataille de Steam Town », son rythme particulièrement soutenu et son apport sur les Vampires d’Irma Vep étant ses deux points fort.

« La pierre de Charlemagne », aussi signée de Joshua Reynolds, est une autre petite pépite, déclinaison plutôt originale du mythe de Belphégor. De même, bien que trop bref, « Les mémos Wayne » proposés par Xavier Mauméjean s’amusent avec finesse à offrir un pendant, pour Batman, à Superman Red Son (qui a droit au passage à un clin d’œil), l’URSS uchronique dont il est question faisant tout pour générer un super-héros au service du prolétariat [1]. « Les larmes de Marguerite » de Win Scott Eckert s’inscrit dans la lignée de « Le Mouron rouge en enfer » et « L’invitation de Nadine » (publiées respectivement dans les tomes 7 et 9), reprenant la relecture par Philip José Farmer de toute une partie de l’imaginaire européen à partir de la chute d’un météore en 1795 ; ici, se croisent avec finesse l’esprit de déduction rationnel d’un aïeul de Sherlock Holmes et l’obscurité du plus célèbre vampire. On peut en rapprocher « Le professeur Peaslee à Paris », de Pete Rawlik, qui réutilise l’idée du météore dans une intrigue légèrement alambiquée à la gloire des Habits noirs. Ces derniers tournent également en ridicule des futurs ennemis de James Bond dans le court mais agréable « Voilà ce qu’il en coûte de faire des affaires », de Franck Schildiner. Dennis E. Power, dans « Les mains d’acier », s’intéresse pour sa part à un silence du roman de Jules Verne, Le Tour du monde en quatre-vingt jours, et propose une explication de la disparition de Passepartout en plein Far West aussi inventive que convaincante ; la jonction avec Les Cinq cents millions de la Begum ou ce personnage précurseur de l’esprit steampunk qu’est le steamboy en sont d’incontestables points forts. Enfin, « Les ailes de la terreur », de Nicholas Boving, est un croisement intéressant entre Harry Dickson et le docteur Lerne de Maurice Renard, qui laisse toutefois l’impression de ne pas avoir tiré toutes ses fusées… « L’oiseau de mort », de Franck Schildiner, est également un peu court, cette nouvelle aventure de Jean Kariven, l’archéologue du mystère créé par Jimmy Guieu, n’étant heureusement pas dénuée d’humour.

Il reste bien sûr des récits plus anecdotiques. « Les jours sombres » de Stuart Shiffman et « Les cinq dragons » de Pete Rawlik partagent un contexte similaire, celui de la veille du second embrasement mondial, mais s’avèrent bien trop statiques, construits autour de longues discussions avec une trop brève action finale, ce qui ne rend pas pleinement justice à certains de leurs protagonistes (Madame Atomos en particulier). « Le généreux cambrioleur » de John Peel, autre variation sur les Habits noirs, avec Maigret parmi leurs adversaires, se révèle finalement frustrant dans son dénouement final. Patrick Lorin tente une rencontre intéressante entre Nemo et Rocambole dans « Eaux troubles », mais si le récit est plutôt bien mené, la chute brise la cohérence d’ensemble, Rocambole changeant bien trop rapidement son fusil d’épaule… De même, « Le sous-marin Le Rouge » de Michel Stéphan est un hommage prometteur à l’œuvre de Gustave Le Rouge et à Camille Flammarion, ici personnage central de l’intrigue, mais on sent à la fois que tout le potentiel de la chose n’a pas été mis à profit et que le lien avec La Guerre des mondes est par trop artificiel (pourquoi cette empathie entre Flammarion et la créature ? Comment expliquer que l’obus ne contenait que trois créatures qui n’ont pas cherché à utiliser leur redoutable armement ?).


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[1Nous nous permettrons juste de signaler que Trotsky, ici personnage central de l’intrigue, considérait avec beaucoup d’intérêt la psychanalyse, certainement pas comme une « science judéo-bourgeoise » (p.281). Mais bien sûr, il s’agissait du Trotsky historique, pas de celui-ci, qui occupe un rôle dirigeant en URSS jusqu’au milieu des années 30…

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