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Point zéro
dimanche 29 mai 2016, par
Antoine TRACQUI
France, 2013
Critic, coll. « Thriller », 896 p.
Nouvel auteur dans le domaine des littératures de l’imaginaire, Antoine Tracqui, légiste dans la vie publique, se pose en tant qu’écrivain à mystère, concurrent redoutable pour les Henri Loevenbruck et autres David Gibbins. Son Point Zéro présente déjà l’originalité, par rapport aux habituels thrillers historico-ésotériques (ou l’inverse), de prendre place quelques années dans l’avenir, ce qui lui permet de faire bénéficier ses personnages d’éléments technologiques particulièrement avancés (le plus impressionnant étant sans doute les nouvelles combinaisons destinées à l’armée étatsunienne et le laboratoire suspendu aux frontières de la stratosphère). Le parti-pris est également franchement réaliste, et même dans des situations incroyables, l’argumentation est telle que l’on y croit aisément.
Après un retour en arrière dans l’Italie fasciste, qui nous fait découvrir un scientifique de génie en fuite et nous confronte même à Mussolini en personne, le roman se centre sur deux groupes d’individus d’exception qui vont se retrouver à faire équipe, dans des conditions plus ou moins sincères. D’un côté, les membres d’une entreprise richissime, ayant fait fortune dans le commerce des armes et celui des boissons gazeuses, la société K2 : Poppy, une mercenaire droguée mais redoutable, le grand patron Kjölsrud, vieillard en sursis, et son second Viktor Bernstein en sont les personnalités les plus saillantes. De l’autre, une société plus jeune, spécialisée dans les sauvetages à haut risque, la Hard Rescues ; dirigée par Caleb McKay, écossais issu d’un clan à la généalogie guerrière affirmée, elle comprend également Gretchen, spécialiste en explosifs, Tewaru, génie en langues d’origine maori, et One-Shot, force de la nature loin d’être dépourvue d’un intellect aiguisé. Après le sauvetage de McKay par Poppy dans une des mines les plus profondes du monde, au Zimbabwe, les deux groupes font équipe, la Hard Rescues étant débitrice de la K2, généreuse dans sa rémunération. L’objectif fixé est de se rendre en Antarctique, où à l’occasion du réchauffement climatique, un artéfact a été repéré. Parallèlement, un contemporain de Kjölsrud, le général ex-soviétique Iazov, part également pour l’Antarctique avec un groupe de choc et une créature, fruit d’expériences nazies puis soviétiques, qui espère retrouver là-bas son géniteur…
Dense et rythmé, voilà ce qui résume le mieux ce Point Zéro. Antoine Tracqui s’est en effet solidement documenté, aussi bien sur les données scientifiques (astrophysique et physique quantique) et techniques de son intrigue, dont des éléments qui peuvent paraître de prime abord secondaires (l’érudition est marquée sur les armes, les explosifs ou les avions), que sur le plan strictement historique (l’opération High Jump, authentique). Par ailleurs, les relations tendues entre personnages, l’existence d’un danger venant de Russie et des scènes d’action digne du cinéma le plus efficace (la scène de sauvetage de Sarah Miller est un must, tout comme celle de l’explosion, dantesque !) musclent la lecture, déjà prenante de par l’utilisation d’un suspense dramatique et diabolique (la caméra récupérée sur place, qui évoque en partie la trépidance d’un Jésus Vidéo). Certes, le thème des nazis réfugiés au pôle sud fait partie de toute une mythologie contemporaine, distillée en particulier par Le Matin des magiciens, mais son traitement est ici nettement plus personnel voire iconoclaste que dans la Tétralogie des origines de Stéphane Przybylski. On débouche en réalité sur une page supplémentaire ajouté à l’aventure scientifique du XXe siècle, et sur des questions finalement classiques, celles de l’utilisation sage ou non de certaines découvertes. Cette relative superficialité du questionnement métaphysique, ainsi qu’une légère coloration guerre froide (les Russes sont quand même plus méchants que les Américains !), sont les seules faiblesses d’un roman haletant.