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Artahe
samedi 16 novembre 2013, par
Philippe WARD (1958-)
France, 2013
Black Coat Press, coll. "Rivière blanche", 324 pages.
Artahe est à l’origine un des premiers romans de Philippe Ward (tout comme La Fontaine de jouvence), publié en 1997, mais que son auteur a repris et enrichi pour cette nouvelle édition, superbement illustrée en couverture par Mariusz Gandzel. Il s’inscrit dans une veine assez proche d’Irrintzina, paru en 2000 et repris dix ans plus tard sous le titre de Mascarades. Là où ce dernier explorait le Pays basque et ses légendes, Artahe s’intéresse aux Pyrénées et à la mythologie gravitant autour de l’ours. Sur fond de désertification rurale, Philippe Ward nous montre que l’inconscient collectif est encore imprégné de traces ancestrales, celles de la puissance tantôt destructrice, tantôt bienveillante, de l’ours des cavernes. Roman fantastique, qui se ressent très légèrement de l’influence lovecraftienne, Artahe est aussi un efficace roman d’aventures, rondement mené, aux personnages attachants et bien dessinés, complexes et jamais manichéens ; le microcosme, celui d’un petit village, est d’ailleurs le cadre idéal pour exacerber les tensions, avec des résonnances très actuelles, ainsi des moyens de revivifier un tissu rural en déshérence via un écomusée...
Arnaud Costes est un Pyrénéen exilé un temps à Paris, qui dans sa quatrième décennie décide de revenir dans son village d’enfance, Raynat. Il y retrouve Berthe, la femme qui s’est occupée de lui après le décès de ses parents, et surtout un monde que reviennent hanter les spectres du passé. L’église est en effet en proie à d’étranges phénomènes, qui conduisent à la découverte d’un énorme squelette d’ours dans son sous-sol. Parallèlement, un ours opère des attaques sur les animaux du village, attirant sur les lieux un spécialiste du quadrupède, Christopher Destree. Arnaud s’associe à lui pour essayer de comprendre ce qui se passe exactement, dans le même temps où il renoue avec son amour d’enfance en la personne de Cathy, devenue aveugle après un accident de voiture ayant coûté la vie à son mari. Les quelques flash backs dans la grande histoire (parmi lesquels un clin d’œil à l’esprit des Compagnons de l’ombre en la personne de Jules de Grandin) s’ajoutent aux découvertes progressives, aux meurtres successifs et aux possessions subies par Arnaud et Cathy pour mener vers la révélation finale, celle d’un culte préhistorique ayant survécu jusqu’à nos jours, célébrant la force de la nature, toujours sous-jacente à notre vie en apparence civilisée et réglée. Artahe illustre ainsi la persistance et la revanche du « paganisme » face à un christianisme exclusif, mais plus largement, on a là comme l’illustration de la tentation sanguinaire qui guette tout culte monomaniaque.
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