Dimension Necropolice

Fabien FERNANDEZ

France, 2013

Black Coat Press, coll. "Rivière blanche", 264 p.

Alors que jusqu’à présent, la série des Dimensions de Rivière blanche s’était surtout penchée sur des pays, des auteurs, voire des séries particulières (voir le récent Dimension Compagnie des glaces), Dimension Necropolice se veut être une déclinaison d’un nouveau jeu de rôle, dont le maître d’œuvre n’est autre que le coordinateur de l’anthologie.

Necropolice se déroule dans un univers de fantasy urbaine, un Brésil dans lequel une section spéciale de la police, baptisée Medium, a vu le jour : composée de personnalités ayant des pouvoirs de communication diverse avec les morts, elle se consacre à la lutte contre le trafic de drogue et autres meurtres fantastiques. L’ambiance, sombre, glauque, suintante, violente à l’extrême, où la pauvreté s’accompagne d’une religiosité prégnante, est particulièrement bien restituée dans cet ensemble de quatorze nouvelles, accompagnées d’un descriptif du jeu, de tous les membres de la section Medium et d’une présentation des auteurs sous la forme de notices nécrologiques du plus bel effet !

Avec « Ma Baunilha » de Benoît Attinost, on est d’emblée plongée dans l’épaisseur noire d’encre de Rio, via un récit à la première personne qui respire l’authenticité, et une chute terrible. Sur un parti pris tout aussi réaliste, sans intervention du surnaturel, « Morceau par morceau » de Mahyar Shakeri contient également sa dose de surprise, mais son personnage central évoque trop fortement un Dexter obscur pour pleinement convaincre. Enfin, toujours sur le thème de l’être humain marchandisé au sens le plus direct, « Consommé » de Sandy Julien perd en originalité ce qu’il gagne en efficacité. Maxime Plasse, dans « Duo », nous plonge au cœur de la lutte entre les gangs et la police, avec une apparition en pointillés des revenants, tandis que « Comme un léger goût de cendres » de Thomas Hervet et «  La tête de l’emploi  » de Julien Heylbroeck développent le thème de la vengeance familiale. Plus touchant, Chris Debien dans « Diablo nao morre para sempre » met en scène un agent infiltré pour son plus grand malheur au cœur de l’horreur, marqué pour la vie et la mort, même si le fait de le pousser à commettre les pires sévices possibles semble peu réaliste quant à l’équilibre psychique d’un membre des forces de l’ordre… On peut en rapprocher « Règlement de compte à Sao Batista » de Nicolas Cluzeau, histoire d’apparence tragique d’une autre infiltration, et qui dévoile finalement tout son cynisme.

Parmi les textes les plus originaux et les plus réussis, « Mort en deux temps » de Fabien Clavel tient bien la corde : son intrigue confrontant deux jeunes acolytes débutants de Medium à l’univers impitoyable des telenovelas, une institution en Amérique latine, est rouée à souhait. « Pour Rosa » de Charlotte Bousquet le talonne de près, car en dépit du parti pris réaliste de son texte, la charge anticléricale et féministe de cette adolescente multi-meurtrière ne peut laisser indifférent. Ils sont suivis par le « Ghostalk » d’Eric Nieudan, à la structure hachée et à l’intrigue délicieusement cruelle, encastrement de l’internet et du spiritisme à l’ancienne, « Août 1972 » de David Bry, évocation pleine de sensibilité du sort de trois enfants enfermés à l’asile, ainsi que par « 10 feuillets » de Frank Plasse, une savoureuse mise en abyme de la traque d’un flic amoureux de poésie. A l’inverse, c’est le coordinateur du recueil qui livre le récit le moins intéressant, « Destination Petropolis » étant une histoire quelque peu abracadabrante de trafiquants de drogue dont l’avion-cargo se retrouve court-circuitant -qui plus est sans le moindre rebondissement digne d’intérêt- le plan de vol d’un ministre. Un bel échantillon de polar à la sauce fantasy, bien dégoulinant sur les doigts !