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Né avec les morts
samedi 2 septembre 2006, par
Robert SILVERBERG (1935-)
France, 2006
Gallimard, Folio SF, 432 pages
Né avec les morts est en fait un recueil de quatre nouvelles, réalisé spécialement pour le marché français (la dédicace rend d’ailleurs hommage à Jacques Chambon), avec des présentations inédites de Robert Silverberg. Tous ces récits ont comme fil directeur la mort.
Mort à laquelle on cesse d’être soumis dans « La vallée hors du temps », un texte de 1957 qui s’intéresse à divers individus regroupés sans savoir comment dans une vallée paradisiaque mais fermée, sous l’œil d’une mystérieuse entité. Le rajeunissement qui s’y exerce progressivement pousse le groupe à chercher une issue, dans un voyage qui anticipe en partie sur certains des romans initiatiques ultérieurs de Silverberg (Les royaumes du mur). Seule la fin déçoit en partie, car trop liée à une science-fiction bon marché.
Mort à laquelle on doit se soumettre de son plein gré avec « Partir », tableau d’une société pacifiée mais dans laquelle les plus âgés doivent accepter le suicide volontaire afin de laisser la place aux plus jeunes. Staunt, le héros de la nouvelle, compositeur célèbre, illustre par ses hésitations toute l’horreur que véhicule une telle rationalisation de la mort, a priori moins subie que dans L’âge de cristal, par exemple, mais tout aussi terrible.
Mort de la raison dans « Thomas le proclamateur », qui évoque fort habilement, par le biais de points de vue multiples, à la veille du troisième millénaire la plongée de l’humanité dans la religiosité aveugle et imbécile, avec en particulier la figure d’un prophète alcoolique et manipulé ; on appréciera à cet égard la part de pertinence contenue dans cette vision apocalyptique, devant les fanatismes actuellement à l’œuvre.
Mort vivante enfin, puisque dans l’histoire éponyme, les morts ont la possibilité de se faire ranimer pour bénéficier d’une autre vie, très différente de leur première... ce que n’arrive pas à supporter Klein, nostalgique de la vie de couple avec sa femme décédée puis ranimée. La solution pour faire face à cette torture mentale sera donc radicale... Une belle parabole sur la mort qu’il faut de toute façon savoir accepter, et plus généralement, une nouvelle illustration du talent indémodable de Silverberg.