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La Secte de Nazareth

samedi 11 janvier 2014, par Maestro

DESSIN : Igor KORDEY (1957-)

SCENARIO : Fred DUVAL (1965-), Jean-Pierre PECAU, Fred BLANCHARD (1966-)

France, 2013.

Delcourt, coll. "Néopolis - série B", 58 p

Initialement, ce quinzième tome de la série uchronique Jour J devait s’intituler L’Empire des steppes, et se pencher sur les invasions mongoles du XIIIe siècle, menaçant la totalité de la chrétienté. Finalement, ce sujet est reporté au volume suivant, tandis que nous plongeons avec La Secte de Nazareth au début de notre ère. Sans doute faut-il voir dans ce changement de programme une arrière-pensée commerciale, l’approche des fêtes de Noël donnant davantage d’actualité à cette nouvelle histoire contrefactuelle.

Le point de divergence se place ici au moment de la passion légendaire de Jésus. En lieu et place du messie juif, c’est Barabbas qui est choisi par Ponce Pilate, à la demande de la population (un changement d’attitude qui n’est pas véritablement explicité), pour être crucifié. Jésus appelle alors son peuple à la révolte contre les Romains, ce qui avance la guerre des Juifs d’une trentaine d’années. L’intrigue de la BD nous est présentée via deux anciens combattants romains, le légionnaire Gaius et le préteur Claudius, qui se retrouvent et évoquent, seuls ou en commun, leurs souvenirs de ces années terribles. Surtout, ils cherchent à retrouver Jésus, devenu un quasi avatar de Ben Laden (y compris dans son apparence, d’ailleurs), dirigeant la secte des poissons (sic) et prônant le martyr au nom de son dieu afin d’abattre la puissance romaine. A Rome, ils sont confrontés d’abord à Saul, sectateur de Jésus, et à Marie de Magdala, ancienne disciple du même, mais qui a depuis renié la violence terroriste de son ancien mentor au profit d’une vision apaisée de la religion chrétienne. Son enlèvement par Saul conduit Claudius et Gaius, assistés par d’autres anciens soldats, à Pompéi, où se prépare la destruction de Rome par le feu. Nous sommes alors en l’an 79 après la « naissance » de Jésus…

On le voit, le propos des auteurs est clair : alors que nous vivons une époque où bien des discours tendent à associer systématiquement islam et fondamentalisme terroriste, le christianisme est restitué dans sa dimension également violente, Jésus dans la figure du révolutionnaire juif (celle de Gérard Mordillat et Jérôme Prieur, en particulier). Ce faisant, La Secte de Nazareth peut donner l’impression d’une critique des monothéismes et de leur intolérance, opposés à un polythéisme plus tolérant [1], ce qui ne résiste pas à l’analyse (il suffit de s’intéresser à l’hindouisme pour faire fi de cette vision des choses). Il n’empêche, cette désacralisation de Jésus, cette remise en lumière de sa violence, sensible à travers certains de ses propos tels que lisibles dans les évangiles canoniques, est utile, et il est d’ailleurs assez ironique que les scénaristes se soient saisis de l’incendie de Rome, injustement attribué aux chrétiens dans notre trame historique, pour en faire un parallèle antique de l’attentat contre le World Trade Center

On notera également la prudence concernant l’identité exacte du titulaire du Principat, l’éclatement anticipé de la révolte juive coupant probablement toute possibilité à Vespasien de revêtir la pourpre impériale… Quant aux personnages célèbres, ils demeurent fidèles à ce que l’on sait sur eux, de Pline le jeune observant de loin l’éruption, de son oncle courant à la mort ou de Saul alias Paul, partisan d’une extension des poissons à l’ensemble des opposants à Rome. Il est toutefois dommage que nombre de bulles s’avèrent trop larges pour le texte qu’elles contiennent.


[1« (…) si nous laissons vivre un seul poisson, vous détruirez le monde », dixit Gaius p.56.

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