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Dimension Vargo Statten. La SF de John Russell Fearn
samedi 11 janvier 2014, par
Vargo STATTEN (1908-1960) & Richard D. NOLANE (1955-), dir.
Grande-Bretagne, 1936-1954
Black Coat Press, coll. "Rivière Blanche", 2013, 424 p.
ISBN-13 : 978-1-61227-232-0
A l’instar de ce que la même collection avait réalisé pour E.C. Tubb avec Dimension E.C. Tubb, ce volume souhaite remettre en lumière la production d’un auteur britannique de l’âge d’or anglo-saxon, John Russell Fearn, alias Vargo Statten, pseudonyme qu’il utilisa le plus. Il alimenta en particulier une bonne partie des cent premiers numéros de la collection « Anticipation » du Fleuve noir. Richard D. Nolane a choisi pour ce faire de proposer un panel particulièrement représentatif, fait de nouvelles et d’un roman, tous inédits en langue française.
Les nouvelles sont au nombre de sept, courant de la fin des années 1930 aux années 50, et loin d’être simplistes, elles dénotent un savoir-faire certain et même une habileté thématique parfois appuyée. « Portrait d’un assassin » (1936) est certainement la moins intéressante, cette histoire d’un meurtrier malgré lui, manipulé par un mari désireux de se débarrasser de son épouse infidèle, se révélant finalement trop classique et peu surprenante. « Héritage rouge » (1938) est plus ambitieux dans son propos, puisque c’est à une brève histoire des civilisations du système solaire que John Russell Fearn nous convie. Les Vénusiens, en fin de vie, vont jusqu’à vampiriser les ressources de Mars (on pense aux Signaux du soleil de Jacques Spitz), alors que la Terre est encore dans les débuts de sa vie intelligente. Cosmique, cette nouvelle est également une vengeance sur le très long terme, comme pour illustrer la difficulté de la compréhension et de la solidarité entre espèces différentes. On retrouve ce même type de vertige avec « Le vagabond du temps » (1944), qui propose une vision de l’évolution de l’espèce humaine, jusqu’à une réduction insectoïde, seul moyen de survivre à l’assèchement d’une Terre future. Mais aussi bien dans « Héritage rouge » que dans « Le vagabond du temps », ces perspectives ambitieuses cohabitent avec des sentiments humains bien vulgaires, ici la rancune et la vengeance, ailleurs la jalousie (« Ménage à trois », intéressante dans son idée d’une vie en symbiose entre humain et extra-humain, même si là encore l’ensemble nous est décrit à travers une histoire de tension conjugale non exempte d’incohérences).
Par contraste, « Samedi noir » (1950) apparaît plus équilibré, mettant en scène une hypothèse digne de la hard SF « vue » par deux Anglais lambda, médecin et institutrice ; le retour de la lumière découvrant le visage de cette dernière fait d’ailleurs partie des plus belles images imaginées par John Russell Fearn. « Dieux éphémères » (1954) peut en être rapproché, à ceci près que son histoire d’un minuscule morceau de Terre qui se retrouve à l’autre bout de la galaxie avec ses cinq occupants est alourdie par des considérations spiritualistes un peu trop appuyées (on sent ailleurs l’auteur attaché à l’idée d’une survivance de l’esprit après la mort du corps). « Les ailes du cosmos » se révèle quant à elle touchante dans son minéralisme, l’extra-terrestre échoué sur Terre, bien que ne s’embarrassant d’aucun scrupule pour aboutir à ses fins, le faisant pour la survie de son espèce ; il y a du Lovecraft dans ce texte, dans l’acceptation progressive par le Terrien du sort subi.
Le roman inédit, quant à lui, s’intitule Etranger parmi nous, et date de 1950. Il s’agit de l’histoire d’un individu curieux, Thomas Smith, qui sauve la journaliste Glenda Carlyle d’un possible viol, mais semble comme non adapté aux exigences les plus évidentes de la vie moderne. Dans cette Angleterre des années 50, les miracles auxquels il procède et les sauvetages qu’il orchestre ne laissent pas l’opinion publique indifférente, dans la mesure où ils s’accompagnent de la mort des tortionnaires, comme programmée à distance. On peut trouver des longueurs dans ce roman, mais il est assez étonnant d’y repérer également des similitudes fortes avec le film qui allait sortir l’année suivante, Le Jour où la Terre s’arrêta . Néanmoins, à défaut d’un extra-terrestre, Thomas Smith est en réalité un voyageur temporel, dont les révélations finales ne surprendront pas vraiment les habitués du genre, et qui décrit brièvement une société de l’avenir à la « perfection » technocratique effrayante, que l’on retrouve dans d’autres romans de l’auteur.
Le volume est très généreusement et utilement complété par deux analyses critiques, l’une de Philip Harbottle, spécialiste de John Russell Fearn, sur la carrière de ce dernier, et l’autre, de Charles Moreau, qui présente les intrigues de tous les romans de Vargo Statten parus au Fleuve noir dans les années 1950. Une bibliographie en langue française complète ces deux études consistantes. Une fois de plus, avec un tel ensemble, Rivière blanche participe avec éclat de la meilleure (re)connaissance de la science-fiction populaire.
Pour commander Dimension Vargo Statten suivez le lien vers les éditions Black Coat Press !