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Mausolées

samedi 1er février 2014, par Maestro

Christian CHAVASSIEUX

France, 2013

Mnémos, coll. "Dédales", 338 p.

Christian Chavassieux est déjà un familier de l’écriture lorsqu’il réalise Mausolées, un roman dont la couverture n’est pas sans évoquer le trait d’un Bilal. L’action se déroule dans un futur situé probablement vers la fin de notre siècle, et se concentre quasiment toute entière dans les murs de la ville de Sargonne, à l’emplacement tout aussi flou que la chronologie, une des Cités-Etats ayant émergé après les crises entourant l’année noire (la période dite des Conflits). La planète n’avait en effet cessé de s’enfoncer dans les crises, engendrant dictatures à foison, guerres civiles et morts par millions. Jusqu’à la terrible année noire, qui vit la fin de l’internet et la destruction du réseau informatique mondial du fait de l’action d’une arme redoutable, les électro-enzymes. Bien que l’humanité soit depuis en convalescence, elle a retrouvé un semblant de stabilité, au prix d’une violence profonde, de la perte de pans entiers de la culture d’antan, d’une méfiance littéralement atavique à l’égard de la science génératrice d’horreurs et de la progression de la stérilité, qui fait planer sur le monde la disparition pure et simple de l’espèce humaine, ce que souhaitent les démogénistes, en qui on peut voir les héritiers d’une certaine écologie profonde.

Kargo est un jeune et brillant écrivain, qui vient à Sargonne en réponse à son recrutement par Pavel Khan, un des personnages les plus riches et les plus controversés de son époque. Officiant dès lors dans la bibliothèque immense rassemblé par ce dernier, installée en plein cœur d’un ancien monastère cistercien, Kargo va nouer une relation étroite avec Danoo, la plantureuse secrétaire personnelle de Khan, et s’efforcer de dénouer les mystères qui planent sur Sargonne, dans les rues de la ville, hantée par les figures des anciens combattants et des sectateurs de Lilith, la femme tronc aux membres de métal, ou au cœur de la forteresse de Khan lui-même… Ce faisant, Kargo, Khan et sa séduisante épouse, Set, vont replonger dans leur passé, au prix de sacrifices et de révélations frappantes.

En apparence, on est ici dans un univers sombre, crépusculaire, qui n’est pas sans évoquer le film Les Fils de l’homme ou les créations labyrinthiques de Borges ou Kafka, la ville de The City And The City par China Miéville… Le hic, c’est que bien que l’écriture soit séduisante, certaines images frappantes (Lilith, ou les descriptions de la déliquescence de l’humanité), certaines inventions surprenantes (le jeu du Palais des fous), et que la langueur qui se dégage de l’intrigue soit loin d’être désagréable, Christian Chavassieux laisse l’impression de ne pas approfondir certains éléments de son attachant roman, ainsi de la signification de cette bibliothèque (la folie des livres, ou les maladies qui les touchent), du grandiose mausolée construit près de Sargonne, ou des divers clins d’œil relevant de la mise en abyme. La troisième et dernière partie du livre multiplie les révélations et laisse s’exprimer davantage d’actions, avec efficacité, même s’il s’agit au demeurant d’une simple histoire de rivalités entre chefs de gangs. On referme donc Mausolées avec le souvenir d’un roman surtout consacré à la quête de ses origines, véritable tombeau des espoirs idéalistes. « (…) il écrivait depuis quelque temps avec la conviction que la chose écrite le dépassait et que les livres, ensemble, construisaient un monde dont la clé lui serait à jamais refusée » (p.269).

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