Les compagnons de l’ombre - 13

Jean-Marc LOFFICIER (1954-)

France, 2013

Black Coat Press, coll. "Rivière blanche", 306 p.

ISBN : 978-1-61227-240-5

Avec cette nouvelle livraison d’aventures inédites des représentants d’un panthéon héroïque littéralement infini, nous retrouvons plusieurs vieilles connaissances. A commencer par la confrérie des Habits noirs, dirigée par le mystérieux colonel Bozzo-Corona, déjà à l’honneur du tome 9.

Si « La complainte de Violet », de Win Scott Eckert, est surtout la conclusion d’une série entamée avec « Le mouron rouge en enfer » (CdO 7), centrée sur les vampires et le fameux nexus de Wold Newton (Philip José Farmer), « Les dieux des bas-fonds » de Rick Lai est plus ambitieux, à la fois dans sa vaste galerie de personnages (dont un ancêtre du Draco de Ian Fleming) et dans sa machination visant le colonel. De même, Christofer S. Nigro dans « La mort d’un rêve » poursuit la série des aventures de drôles de dames alternatives, au service du fantôme de l’opéra, désireux ici de frapper un grand coup afin d’espérer retrouver apparence humaine. Une nouvelle particulièrement efficace, tout comme « Le tournoi fabuleux », de Matthew Baugh, succession de combats à mains nues d’une grande authenticité, ayant comme but la possession du fameux trésor du colonel. Mais j’avoue ma préférence pour « Le trésor de la vie éternelle », de Matthew Dennion, plus exotique, confrontation entre Allan Quatermain et le diabolique docteur Loveless, désireux de percer à jour le secret de l’immortalité du dit colonel.

Moins secoué, « Le silence », signé Bradley H. Sinor, utilise un personnage de Edgar Rice Burroughs, en la personne de John Carter, sur la piste duquel se trouve lancé Michel Ardan, mais l’intrigue est à la fois trop linéaire et trop statique pour pleinement s’imposer. Tarzan, pour sa part, est au générique de « Moreau est vivant ! », de Michel Stéphan, une histoire touchante sur les origines supposées de l’homme-singe, en lien avec les expériences du docteur Moreau. Ce dernier est également la vedette de « Des animaux et des hommes », signé Christophe Colin, et de cette brève rencontre entre le scientifique et le Félifax de Paul Féval, nous retiendrons surtout le portrait plus humain de Moreau, qui tranche avec la caricature du savant fou. Pour une plongée plus profonde dans l’histoire, allez jeter un œil du côté de « La confrérie de la miséricorde », d’Emmanuel Gorlier, qui reprend son personnage, aïeul de Léo Saint-Clair alias le Nyctalope, en le confrontant à un complot ourdi contre Mazarin et Louis XIV, complot dont les ultimes prolongements verront la disparition de Cyrano de Bergerac. Sympathique, à défaut d’être extrêmement original. « A pas de loup », de Bradley H. Sinor, fait preuve de davantage d’innovation, puisque dans cette affaire policière mettant en scène Mycroft Holmes et un jeune Arsène Lupin, Lancelot du lac est aux premières loges, sous la forme d’un…vampire !

Au rayon des déceptions, citons d’abord « De la poussière et des cendres », proposé par Nigel Malcolm, car bien qu’exploitant un thème porteur, celui des soucoupes volantes nazies, et une galerie de personnages prometteuse (parmi lesquels Harry Dickson ou le professeur Quatermass), la nouvelle ne fait que survoler -sic- son sujet, n’exploitant pas toutes ses potentialités. « Le masque et la marque », d’Artikel Unbekannt, ne pourra séduire que les afficionados de Maurice Limat et Paul Béra, auteurs du Fleuve noir, car ne sont utilisés que des personnages imaginés par ces deux écrivains. Le volume se termine par une participation prestigieuse, celle de Michael Moorcock, mais il faut bien avouer que « Le crépuscule des icônes », qui met en scène Jerry Cornélius et une pléiade d’autres vedettes de la culture populaire, apparaît plutôt délirant et difficile à suivre ; tout au plus en retiendra-t-on une certaine mélancolie face à la disparition d’un monde, d’un continent culturel, dont surnagent, comme à Paris, de rares sommets…