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Avril 1915 - Ypres
samedi 20 septembre 2014, par
Scénario : Xavier DORISON (1972-)
Dessin & couleurs : Enrique BRECCIA (1945-)
Delcourt 2011
Après un hiatus de deux ans qui, sans nous être expliqué, semble tout de même avoir mis en jeu l’existence même des Sentinelles (deux personnes sont remerciées par les auteurs pour avoir « sauvé la série »), un troisième tome paraît, et un quatrième est d’ores et déjà annoncé, pour notre plus grand plaisir. Ce troisième épisode des aventures des premiers super-héros français, d’autant plus réussi qu’il est réaliste et s’insère avec aisance dans la trame historique authentique, est en effet au moins aussi frappant et surprenant que le premier, là où le second marquait en partie le pas.
Le groupe français voit ainsi ses rangs s’enrichir d’une nouvelle recrue, en la personne du capitaine Clermont, alias Pégase, alias Le Merle (sic). Parallèlement, les armées allemandes produisent leur premier super-guerrier, judicieusement nommé le surhomme, et qui présente la particularité de ne pouvoir survivre que dans un environnement empli de gaz toxique, ce qui explique l’excellente idée scénaristique et graphique qu’est ce scaphandre particulièrement résistant qui l’abrite. Il faut dire que les gaz de combat sont au cœur de cet album, à travers leur toute première utilisation.
Les Sentinelles doivent en effet tenter de faire face à cette offensive d’un genre nouveau, et par-delà ces affrontements, dont le face à face entre Taillefer et Übermensch est le point culminant (signalons également la très belle bataille aérienne), c’est toute la question de la légitimité de l’utilisation d’armes aussi peu conventionnelles qui est posée. Honneur d’une autre époque (incarné par le père de Clermont, ancien de la guerre de 1870 ou la scène d’enterrement de l’officier allemand, avec ce croisement symbolique qu’est la mise sous terre du sabre de 1870) contre impératifs de la guerre moderne, passage de la guerre militaire à la guerre totale, ravages de la technologie sur laquelle plus aucune bride n’est fixée, ce sont toutes ces problématiques qui articulent cette troisième scansion de la Première Guerre, toujours traversée de visuels forts (cette tranchée qui vomit ses cadavres, p.5), entrecoupés de photographies d’époque, et, nouveauté opportune, de documents écrits parmi lesquels des extraits de témoignages d’anciens combattants.