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LA PLANETE DES SINGES : L’AFFRONTEMENT
samedi 2 août 2014, par
Matt REEVES (1966-)
Etats-Unis, 2014, Dawn of the Planet of the Apes
Andy Serkis, Jason Clarke, Gary Oldman
Le film de Tim Burton n’avait finalement constitué qu’un frémissement, moyennement convaincant au demeurant, avant la véritable résurrection de la franchise des années 68. Après La Planète des singes : les origines en 2011, ce second volet (au titre d’ailleurs mal traduit, sauf au Québec !) poursuit une trilogie (voire plus ?) qui rencontre un réel succès public. Il faut dire que sur le plan formel, la réussite est incontestable, que ce soit les décors post-apocalyptiques mis en scène, ou surtout les singes, générés par le biais de la technique du motion capture. Cela n’empêche pas de percevoir encore parfois le caractère artificiel de la chose (et ce dès le début du métrage, avec la chasse aux cerfs), et de nourrir un certain regret pour les maquillages d’antan… En ce qui concerne le scénario, le film est bien rythmé, équilibrant plutôt habilement les scènes de dialogue et les moments plus concentrés sur l’action. Là où le précédent film, dont l’ouverture de La Planète des singes : l’affrontement reprend directement l’ultime dénouement, pouvait en partie évoquer La Conquête de la planète des singes, cette nouvelle réalisation se rattache plutôt à La Bataille de la planète des singes (1973), dont il reprend d’ailleurs bon nombre d’éléments (le fils de César, la règle selon laquelle un singe ne doit pas tuer un autre singe, l’affrontement avec la colonie humaine, Koba évoquant Aldo…).
Dix ans après l’explosion de la pandémie de la grippe simienne, l’humanité s’est réduite comme peau de chagrin, décimée par la maladie et par l’implosion des sociétés qu’elle a provoquée. César et les singes qu’il a libérés se sont quant à eux multipliés, ayant élu domicile dans la forêt proche de San Francisco. César, qui a fondé une famille, en est toujours le chef reconnu, mais son leadership va être mis à mal le jour où des humains tombent nez à nez avec les singes. Il s’agit de représentants de la communauté de San Francisco, désireux de relancer un barrage forestier afin de pouvoir bénéficier de l’électricité, et de nouer d’éventuels contacts avec d’autres noyaux de survivants. De chaque côté, les tensions vont aller croissant. Côté humain, Dreyfus, le chef désigné, s’efforce de réarmer au maximum la colonie humaine, étant prêt à éradiquer ceux qu’il ne considère autrement que comme des bêtes. A l’inverse, son second, Malcolm, fait tous les efforts possibles pour obtenir la confiance de César, y compris en risquant sa vie. César, justement, porte un regard nuancé et équilibré sur les humains, tandis que Koba, ayant beaucoup souffert des expériences en laboratoire, ne les voit que comme des ennemis à supprimer une bonne fois pour toute. Tout concourt à l’affrontement inévitable, dont l’élément déclencheur n’est autre qu’une tentative d’assassinat perpétré sur César.
En dépit de ces efforts de positionnements pluriels, un certain manichéisme reste sensible, entre fauteurs de guerre et pacifistes. Le message se veut néanmoins universel, un constat désabusé, à vocation réaliste, celui d’une nature humaine immuable, liée à l’intelligence (d’où son identité parfaite chez les singes), capable du bien comme du mal, une forme d’égalité animale dans l’éternité, en somme. La Planète des singes : l’affrontement aborde également deux autres thématiques. Celle de la famille, élément de stabilité fondamental pour la morale étatsunienne. Le fils de César, qui mettait en doute la justesse des décisions de son père, revient vers lui repentant, tandis que pour Malcolm, les douleurs partagées bien que non verbalisées de son fils et de la belle-mère de ce dernier finissent par les souder. Enfin, on perçoit une certaine charge écologique, dans l’éloge qui est fait du mode de vie simiesque, simple et respectueux de la nature, là où un Dreyfus ne semble chercher qu’à revenir à la situation antérieure, celle d’une humanité dominatrice et prédatrice (ce qu’incarne son obsession du rétablissement de l’électricité).
Ce qui est en tous les cas appréciable, c’est à la fois l’absence de fin trop heureuse, trop consensuelle, et les linéaments qui sont de la sorte établis pour mener à la situation décrite dans le roman ou le tout premier film, celle d’une domination des singes sur des humains devenus gibier ou bétail. Le prochain film, prévu pour l’été 2016, sera à cet égard décisif, remplissant d’une certaine manière le rôle dévolu au sixième film de la première série, qui aurait dû voir le jour nonobstant la mort du producteur Arthur P. Jacobs. Demeure toutefois une certaine incohérence : Malcolm aurait dû, en toute logique, se rallier à César, car son retour dans le giron de son ancienne communauté risque fort de mal se dérouler (il a tout de même failli tuer Dreyfus !). Dans cette séparation draconienne entre humains et singes, désormais irréconciliables, là où La Bataille de la planète des singes autorisait une cohabitation, doit-on voir un reflet de notre situation géopolitique mondiale, alimentée par une crise encourageant les replis sur soi, les regains nationalistes et les incompréhensions profondes, comme en Palestine ?