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Opération Charlemagne
samedi 14 février 2015, par
DESSIN : MAZA (1968-) [Pierre LAVAUD]
SCENARIO : Fred DUVAL (1965-), Jean-Pierre PECAU, Fred BLANCHARD (1966-)
Couleurs : Jean-Paul FERNANDEZ
Delcourt, coll. "Néopolis", 2014, 54 p.
Avec ce dix-huitième tome de la série uchronique Jour J, les deux scénaristes permanents que sont Fred Duval et Jean-Pierre Pécau ont décidé de renouer avec un procédé employé pour les volumes 3 et 4 (Septembre rouge et Octobre noir), celui d’une histoire à épisodes. Opération Charlemagne (un titre qui n’est curieusement pas expliqué dans l’album) fait ainsi suite, deux ans plus tard, aux événements racontés dans le tome 14, Oméga (un ultime volet est également annoncé).
Nous sommes donc en 1943, et la France des Ligues, dirigée par Pierre Laval, est en conflit avec le Royaume-Uni. Un conflit qui ne se limite pas au cadre européen, puisque de Gaulle est responsable des opérations menées au Moyen-Orient contre les intérêts britanniques. L’intrigue s’ouvre par une énigme : quel genre de sous-marin jamais vu les Français fabriquent-ils dans les chantiers de Saint-Nazaire ? L’envoi d’un avion chargé de prendre des photographies plus précises de la construction, avec la protection d’une escadrille menée par Pierre Mendès-France réfugié en Angleterre, se solde par la chute du dit avion, et la prise en charge de son pilote, Léo Berger (découvert dans Oméga, tout comme le commissaire Lafont), par la comtesse veuve de Serrant. Parallèlement, un couple d’américains, censément en voyage de noces en France, cherche à prendre contact avec le réseau de résistance au pouvoir autoritaire dont fait partie la comtesse de Serrant, afin là aussi d’élucider le mystère du sous-marin de Saint-Nazaire. Les choses vont aboutir à un climax dans le château de Serrant, lieu choisi pour un concert de l’orchestre de Moscou, l’URSS de Staline étant pour le moment en bons termes avec la France fasciste.
Disons-le clairement, Opération Charlemagne, en permettant d’approfondir l’univers uchronique entrevu dans Oméga, se révèle d’une grande richesse, sur le plan géopolitique tout spécialement (même si on peut se demander pourquoi l’URSS ne profite pas plus tôt de la disparition d’une Allemagne forte pour avancer ses pions sur l’échiquier européen). Une caractéristique renforcée par la vaste galerie de personnages que l’on côtoie : outre Albertini, seulement entraperçu ici, Malraux ou Mendès France, on découvre ainsi Georges Marchais au service des Soviétiques, Benoist-Méchin, collaborateur du gouvernement français, un Hoover philo-fasciste refusant d’intervenir en faveur des Anglais, ou Simone de Beauvoir, prête à tout pour s’attirer les bonnes grâces de Laval (une hypothèse conforme à ce que l’on sait de l’attitude de Sartre et Beauvoir sous l’occupation). Comparativement, le scénario, bien que rondement mené, s’avère un peu trop classique, évoquant les nombreux films réalisés sur la résistance durant la Seconde Guerre mondiale. Quelques clins d’œil se nichent par ailleurs dans certaines cases, pour notre plus grand plaisir (l’eau de Vichy, p.45). La seule incohérence apparente concerne le PCF, censé avoir été interdit au moment du déclenchement de la guerre contre l’Angleterre, mais dont L’Humanité semble toujours avoir le droit de paraître (p.31).