Accueil > TGBSF > F- > La Flotte perdue

La Flotte perdue

samedi 17 janvier 2015, par von Bek

Jack CAMPBELL [John G. HEMRY]

Etats-Unis, 2006-2010, The Lost Fleet

L’Atalante, 2008-2010, 6 vol.

Lorsque s’ouvre Indomptable, premier volume de la série initiale [1], la flotte spatiale de l’Alliance, une confédération démocratique de planètes, est sur le point de se faire anéantir par la flotte ennemie des Mondes syndiqués, une autre confédération de planètes nettement moins démocratique celle-là, après être tombée dans un traquenard qui l’a attirée au cœur du territoire ennemi. Ne reculant devant rien, l’amiral syndiqué fait venir à son bord son homologue sous prétexte de négocier la reddition et le fait exécuter. Grossière erreur, car sur le chemin de ce qu’elle espérait être l’ultime bataille d’une guerre qui dure depuis un siècle, la flotte a recueilli une capsule de survie sur le point de rendre l’âme à bord de laquelle dormait, depuis l’aube du conflit, le capitaine Jack Geary, devenu avec le temps une véritable légende. Or, avec la mort de l’amiral, Geary est propulsé à la tête de la flotte et sa maîtrise d’un art du combat oublié depuis des lustres lui permet de sauver in extremis la flotte qu’il lui faut ensuite ramener chez elle à travers l’espace ennemi avec la clé codée.

Le tout ne se fait pas sans mal et occupe les quatre volumes suivants - Téméraire, Courageux, Vaillant et Acharné - car, outre une opposition ennemie qui épuise et érode sa flotte, Geary rencontre des difficultés pour asseoir son autorité en dépit de succès qui apparaissent miraculeux aux yeux de plus d’un de ses officiers. Ainsi doit-il faire face à l’hostilité de subalternes jaloux qui méprisent ses méthodes de combat et de commandement en dépit de leurs réussites, car contraires aux pratiques de concertation qui se sont installées au grès du conflit et aux tactiques pour le moins directes sensées incarner les valeurs de courage et d’honneur auxquelles il ne convient pas à un officier de déroger fusse au prix de pertes monstrueuses. C’est le cœur du deuxième volume, Téméraire. Il faudra aussi à Geary apprendre à désarmer la méfiance entretenue par la représentante politique de l’Alliance, la vice-présidente Victoria Rione, qui, tout en souhaitant la fin du conflit, craint par dessus tout le danger que pourrait représenter l’arrivée d’un commandant triomphant pour une démocratie d’une confédération à bout de souffle. Cette peur est amplement justifiée par l’amertume de certains officiers, dégoûtés de ne pas être soutenus comme il faudrait par la direction politique.

Bien qu’appartenant au même sous-genre de la SF que les aventures d’Honor Harrington de David Weber publiées en France par le même éditeur, La Flotte perdue se révèle très différente parce qu’elle aborde de manière plus pointue et plus réaliste des questions intelligentes comme les rapports entre le pouvoir politique et le pouvoir militaire, l’impact de la guerre sur le moral ou sur les tactiques employées, même si s’y retrouvent aussi la même facilité ou la même naïveté d’opposer deux régimes politiques incarnant l’un la liberté et l’autre la dictature. En fait, il ne faut pas longtemps pour deviner que Jack Campbell a puisé cette partie de son récit dans l’histoire antique : Jack Geary est un Cincinnatus de l’espace, figure chère aux Etats-Unis, assumant le commandement en temps de crise mais qui quitte sa fonction quand il n’est plus besoin de lui, que les autres craignent ou voudrait voir en Jules César franchissant le Rubicon dans le sixième tome, Victorieux.

La série est aussi plus pointue en ce qui concerne les combats dont les manœuvres parfois fastidieuses en dépit de l’élaboration de ruses concourant à un récit prenant, font l’objet d’un récit très détaillé dont un lecteur capable de se représenter des mouvements dans un espace à trois dimensions profitera mieux. L’auteur a été officier de marine, à la différence d’un David Weber, et cela se sent, pas toujours à l’avantage de l’histoire récit d’ailleurs. Les tomes 3 à 5 présentent des répétitions certaines et auraient sans doute gagnés à être condensés en un volume plus épais, la pagination moyenne de la série n’étant pas exceptionnellement élevée avec 390 pages environ.

Le sentiment de répétition résulte aussi du manque d’évolution des rapports humains qui s’installent à partir du troisième épisode (Courageux). Pour donner un peu de relief à son histoire, Jack Campbell a cru bon d’y rajouter des sentiments amoureux et des antagonismes féminins qui se répètent de volume en volume sans jamais changer jusqu’à l’heureux dénouement final et prévisible. Les atermoiements et lamentations de Geary quant à sa situation d’orphelin - sa famille et ses proches sont morts depuis des décennies - pour nécessaires qu’ils soient à la profondeur d’un personnage sont un peu casse-pied à la longue, tandis que les exclamations spirituelles en références aux honorés ancêtres et aux étoiles vivantes, certes destinées à donner un peu de richesse à l’arrière-plan, font franchement cucul, je ne vois pas d’autre mot. Il a aussi placé un fil rouge qui joue un rôle très important mais qui avance peu en la découverte de l’existence de mystérieux extraterrestres dont les menées contribuent à prolonger l’état de guerre. Victorieux laisse malheureusement un peu sur sa faim quand à cette énigme qui fait l’objet de la deuxième série des aventures de Black Jack Geary : La Flotte perdue : par delà la frontière.

Ces longueurs et frustrations, associées aux hideuses couvertures choisies par l’éditeur et réalisées à la truelle graphique, font que La Flotte perdue n’a pas le ressort et le relatif renouvellement des aventures de Honor Harrington. J’ai bien apprécié les tomes 1 et 2, et même 6, mais je dois avouer avoir sauté quelques passages dans les trois autres volumes. Ce qui est dommage car elle est bien plus intelligente sur de nombreux aspects dont les aspects militaires.


[1Initiale parce que la série est prolongée par une suite forte de quatre tomes et par une trilogie spin-off.

Un message, un commentaire ?

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d'indiquer ci-dessous l'identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n'êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

Connexions'inscriremot de passe oublié ?