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Cartographie des nuages

samedi 9 avril 2016, par von Bek

David MITCHELL (1969-)

Grande-Bretagne, 2004, Cloud Atlas

Avant de voir le film des soeurs Wachowski, j’ai préféré me plonger dans le roman. Je ne sais pas encore comment les réalisateurs de Matrix ont abordé l’œuvre de David Mitchell, mais celle-ci s’avère construite de manière assez originale car formée de six récits emboîtés. Situés à chaque fois dans un lieu différent et à une époque différente, chaque histoire s’interrompt brutalement pour voir démarrer la suivante, à l’exception de la sixième qui est au centre de toutes les autres, formant une espèce de matriochka littéraire qu’il faut ouvrir avant d’arriver à la dernière pour ensuite tout refermer.

Tous les personnages centraux sont reliés entre eux et portent, homme ou femme, une marque de naissance, mais les récits gigognes sont aussi reliés par un détail qui renforce la cohésion de l’ensemble. Adam Ewing est un notaire californien en panne de navire en 1851 à l’autre bout du Pacifique, dans les îles Chatham. Il fait la rencontre d’un médecin à lequel il finit par embarquer pour regagner ses pénates. Son journal échoue entre les mains de Robert Frobisher, escroc et voleur bisexuel, qui en 1931 a réussi à devenir assistant d’un fameux compositeur installé près de Bruges. Il entretient une correspondance avec son amant Rufus Sixsmith, laquelle, plus de quarante ans après, en 1975, la laisse à la journaliste Luisa Rey ainsi qu’un rapport faisant état des risques posés par une centrale nucléaire de dernière génération près de la ville californienne imaginaire de Buenas Yerbas. L’enquête menée par Luisa Rey devient un roman envoyé à Timothy Cavendish, éditeur britannique sexagénaire et raté jusqu’à ce qu’un de ses auteurs ait la brillante idée de balancer un critique littéraire du haut d’un immeuble. Cavendish, ayant oublié que les droits sont ceux de l’auteur, doit fuir et finit contre sa volonté dans une maison de retraite qui a tout de la prison. Ses mésaventures donnent matière à un film que regarde, des siècles plus tard, Sonmi 451, un clone-esclave dans une société ultra-corporative asiatique, ainsi qu’elle le raconte à son interrogateur la veille de son exécution capitale. Son témoignage transcendra les siècles : au cœur de Cartographie des nuages, le vieux Zachry invoque souvent le nom de Sonmi lorsqu’il raconte sa jeunesse sur la Grande Île et sa rencontre avec Méronymie, une ethnologue venue étudier les sociétés d’après la chute.

Cartographie des nuages renoue les liens pas assez souvent attachés entre les littératures. Son auteur se montre un virtuose en multipliant les genres et les styles dans ce roman qui est, tour à tour, roman épistolaire (« Lettres de Zedelghem »), journal intime (« Le journal de la traversée du Pacifique d’Adam Ewing »), thriller (« Demi-vies, la première enquête de Luisa Rey »), roman à l’humour so british (« L’épouvantable calvaire de Timothy Cavendish ») et dystopies (« L’Oraison de Sonmi 451 » et « La Croisée d’Sloosha pis tout c’qu’a suivi »). Pour le premier récit, David Mitchell a su donner à son récit un accent très melvillien, qui n’est pas d’ailleurs sans rebuter quelque peu le lecteur au risque de le décourager d’entrée de jeu. Pour chacune des deux dystopies, il a inventé un vocabulaire spécifique contribuant à renforcer leurs particularités.

En revanche, il m’a été difficile de comprendre où une telle somme de créativité voulait en venir. Si cela n’est pas franchement étonnant, compte tenu du facteur limitant et limité de mon intelligence, cela l’a été encore moins quand j’ai appris que David Mitchell entendait montrer la (triste) permanence de la prédation de l’humanité envers elle-même. En bon cynique j’ai pensé que cela n’était pas bien original et que j’avais peu de chance de le remarquer... Fort heureusement, cela ne m’a absolument pas gâché le plaisir de lecture.

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