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Pax romana

samedi 6 décembre 2014, par Maestro

Jonathan HICKMAN (1972-)

Etats-Unis, 2008-2009

Urban Comics, 128 p.

Pax Romana est une histoire indépendante imaginée par l’auteur étatsunien de comics Jonathan Hickman (réalisateur de nouvelles aventures des Avengers), qui a l’habitude de ne pas se laisser enfermer dans le genre super-héroïque : il a ainsi signé en tant que scénariste des BD ambitieuses comme Red Wing ou Projets Manhattan avec le dessinateur Nick Pitarra. Une chose impressionne d’emblée le lecteur : l’esthétique particulièrement léchée de l’album. Les couleurs sont minimalistes, mais traitées à la façon de véritables fresques, Jonathan Hickman privilégiant les ombres dans le traitement des personnages. En outre, ses planches laissent parfois la place à des pages entières de textes, reproduisant des documents historiques sur des conversations entre personnages, jusqu’à une chronologie alternative, en annexe, de la nouvelle histoire du monde (essentiellement l’ouest de l’Ancien Monde).

Ce splendide objet formel décline une histoire qui, sur le papier, a de quoi allécher tout amateur de scénarios uchroniques. Au milieu du XXIe siècle, l’Occident est en passe de succomber sous la pression musulmane (on ose espérer que le second degré est de rigueur). Des recherches scientifiques patronnées par le Vatican permettent de découvrir un procédé de voyage dans le temps, ce qui entraine le lancement d’un projet fou : remonter dans les premiers temps du christianisme impérial, afin d’assoir de façon pérenne et totale la domination de la chrétienté. L’expédition est menée par le cardinal Pelle et le général Nicholas Chase, neveu du pape Pie XIII, et comprend bon nombre de guerriers confirmés, plus ou moins recommandables. Parvenu à la veille de la bataille du Pont Milvius, Chase prend les choses en main, se débarrasse de Pelle et décide de mettre en place un plan plus ambitieux : permettre la réalisation d’une société démocratique parfaite en passant par les stades fasciste puis communiste, qui justifieront le retour à une République purifiée. Les guerriers du temps épaulent ainsi Constantin dans sa marche au pouvoir, lui permettant de consolider et même d’agrandir l’empire romain. Mais peu à peu, des divergences apparaissent entre les leaders du futur, provoquant scissions et déraillement apparent du plan initial…

Tout cela, répétons-le, s’avère extrêmement alléchant, et n’est pas sans évoquer le Roma Aeterna de Robert Silverberg, en plus rude et plus âpre. Toutefois, l’ambition n’est pas véritablement tenue dans sa mise en forme concrète. Les enjeux ne sont pas toujours suffisamment clairs, les données politiques souvent traitées de manière simpliste (le fascisme et le communisme ont droit à des définitions d’une partialité à pleurer !), et les peuples réels totalement absents (on peut en particulier s’interroger sur leurs réactions quant aux progrès accélérés de la science et des techniques). Pax Romana demeure centré sur des relations interindividuelles, celles de fortes personnalités qui succombent finalement à des conflits typiques des familles régnantes de toute époque, comme pour illustrer la vacuité de toute volonté de changer le monde, face à des impondérables humains. Surtout, cette accélération de l’histoire semble mener à un résultat mitigé, puisque qu’au XVe siècle, une autocratie semble toujours de mise, le souverain étant conseillé par un pape génétique, personnalisation d’un syncrétisme religieux totalisant… Mais cette possible dystopie n’est pas réellement analysée ou présentée, ce qui confirme le bilan ambigu de la lecture de cette Pax Romana.

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