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Points chauds et Aliens mode d’emploi
Manuel de survie en situation de contact extraterrestre
samedi 29 novembre 2014, par
Laurent GENEFORT (1968-)
France, 2012
Livre de Poche, 2014, 384 p.
En 2012, Laurent Genefort avait signé un roman gagnant du prix Rosny aîné, Points chauds, que complétait un second ouvrage, Aliens, mode d’emploi. Les deux ont été réunis pour leur édition en poche, une excellente idée, qui évite un doublon avant tout commercial. Points chauds, c’est Au Carrefour des étoiles et Les Enfants de nos enfants de Simak, revus et corrigés à la sauce contemporaine, celle d’un repli sur soi et d’un délitement des solidarités anciennes.
A la fin des années 2010, ont commencé à apparaître sur notre planète des Bouches, autrement dit des ouvertures de tunnels spatio-temporels servant à la fois de débouché et d’entrée vers d’autres mondes. S’ensuit alors un déferlement de voyageurs aliens, qui le plus souvent ne sont que de passage vers une autre bouche, mais parfois s’installent durablement sur Terre. Des aliens qui partagent suffisamment de points communs avec nous pour faire de la vie dans l’univers un phénomène convergent (« Nous avons donc tous quelque chose en commun. Cette chose, c’est la science. », p.113) L’intrigue se déploie alors en trames parallèles, parfois croisées, qui sont autant d’itinéraires personnels confrontés à cette irruption de l’altérité dans un quotidien déjà complexe.
Leo est un soldat de la force Rempart, mise en place par l’ONU afin de protéger mutuellement aliens et humains, qui se trouve au premier plan des tensions et des affrontements que ces rencontres génèrent. Il en est de même pour Camila, médecin travaillant dans l’humanitaire, et qui subit de plein fouet les conflits endémiques de la corne de l’Afrique, s’efforçant envers et contre tous de porter assistance à des aliens pacifiques, isolés dans un rêve… Raji, lui, est un scientifique exerçant en Suisse, et qui, entre sa relation avec Agustina et ses rapports privilégiés avec un couple de Corcovados, des extra-terrestres utilisant la radioactivité comme moyen de sculpter leur lignée, finira par choisir les plus radicalement étrangers (ou les plus proches par leur sensibilité ?). Enfin, Prokopyé est un représentant en déshérence d’une ancienne peuplade sibérienne, qui trouve dans l’aide apportée à un convoi d’aliens un nouveau sens à sa vie et un moyen de retrouver ses racines.
D’autres personnages font de plus brèves apparitions, et avec divers documents de presse, on a là un tableau passionnant de notre futur proche, riche de descriptions fascinantes d’autres êtres vivants et d’autres mondes, fait également de pessimisme mais également de germes de solidarité prometteurs (les évolutions de législation étatique, le cadeau fait aux populations des bidonvilles par une espèce alien, les allers-retours d’humains qui se multiplient à travers les Bouches). Les extra-terrestres jouent ici le rôle de révélateurs, révélateurs des impasses de notre modèle de civilisation, que ce soit l’effacement de l’identité culturelle de certains peuples, les drames de la misère endémique (belle idée que celle de ces extra-terrestres mis à travailler illégalement dans des cargos géants devenus des ateliers extra-territoriaux) ou le rejet de l’autre face à l’adversité, à grands coups d’agressions racistes, de camps de rétention et d’incompréhension intéressée. Et à ce petit jeu, les gouvernants sont aussi responsables, sinon plus, que les populations.
Il y a là matière à l’édification de tout un univers, de tout un cycle de livres, et inévitablement, le roman de Genefort, en l’état, laisse en partie le lecteur sur sa faim. Il est seulement complété par Aliens, mode d’emploi, un guide de survie face aux extra-terrestres sympathique, mais qui souffre à la fois d’un humour insuffisamment présent et puissant, ainsi que d’un côté un peu trop superficiel (on aurait aimé qu’il s’y trouve davantage d’anecdotes concrètes et de descriptions de peuplades aliens).