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Dernière nouvelles de Majipoor

samedi 28 mars 2015, par Maestro

Robert SILVERBERG (1935-)

Etats-Unis, 2013
ActuSF, collection Perles d’épice, 448 pages, 2014.

Robert Silverberg est devenu un auteur rare. Plus économe de son écriture, il est également encore plus esthète dans sa prose et ses créations, ainsi que nous l’ont prouvé Les Vestiges de l’automne ou Le Dernier chant d’Orphée. Ce recueil de nouvelles, conçu sur un modèle proche de celui des Chroniques de Majipoor, sera sans doute le volet conclusif d’un cycle comprenant également un diptyque -Le Château de Lord Valentin, Valentin de Majipoor-, une trilogie -Les Sorciers de Majipoor, Prestimion le Coronal et Le Roi des rêves-, sans oublier un roman jeunesse isolé -Les Montagnes de Majipoor. Sept récits sont au programme de ces Dernières nouvelles…, mettant tous en scènes des personnages en quête d’eux-mêmes ou confrontés à des choix de vie impossibles, et ayant comme dénominateur commun de se dérouler dans une histoire plus ou moins lointaine.

Au soir de sa vie, et avec les trois premiers récits, Silverberg regarde en arrière, dans le passé de sa création, en véritable amoureux de l’histoire qu’il a toujours été et avec une certaine mélancolie. Dans « Le Bout du chemin  », c’est un futur Coronal, Stiamot, qui, cherchant à mieux connaître les Métamorphes, se heurte à leur incommunicabilité et à leur hostilité vis-à-vis des colons humains. Ce faisant, Silverberg semble illustrer l’impossible voie médiane, celle de l’entente entre espèces inconciliables, à l’image de ce que les Etats-Unis avaient vécu avec les Amérindiens, le rêve de Stiamot finissant par se muer en une guerre inexpiable de trente ans… « Le Livre des Changements » (mixte entre Le Temps des changements et Le Livre des crânes ?) est un des plus beaux textes de l’ouvrage, odyssée d’un aristocrate, rimailleur à ses heures, qui, à l’occasion de son rapt par un chef de bande, en pleines terres inexplorées de l’orient d’Alhanroel, se découvre habité par un véritable destin : écrire la grande épopée poétique des premiers siècles de Majipoor, à partir de sa colonisation par l’humanité. Il est même visité en ses rêves par un certain Valentin, élégante manière de boucler la boucle. Silverberg, en inconditionnel de la littérature, et reflétant au passage l’époque post-moderne qui est la nôtre, insiste sur la véracité tout aussi défendable d’une telle création face à des études historiques censément plus rigoureuses... D’histoire, il est également question dans «  La Tombe du Pontife Dvorn », qui voit la mise à jour par deux universitaires, l’un historien, l’autre archéologue, de vestiges substantiels autour de la tombe du légendaire Dvorn, à qui l’on doit la mise en place du système de gouvernance planétaire, Coronal et Pontife. Plus proche de problématiques contemporaines, cette nouvelle s’interroge sur l’authenticité d’une recherche isolée et minoritaire, face à une vulgarisation commerciale et versant facilement dans l’opportunisme.

Les trois nouvelles suivantes ont comme trait commun d’être plus légères et centrées sur la magie. « L’Apprenti en sorcellerie » est sans doute l’histoire la plus dispensable de toutes. Il s’agit simplement d’une romance, celle d’un jeune homme désireux d’apprendre la magie, qui se fait engager chez une magicienne aussi désirable que distante, voire revêche, dont il tombe très vite éperdument amoureux. Malgré les embuches et les épreuves, il parviendra à ses fins. Tout aussi légère mais plus amusante, « Heures sombres au Marché de minuit » raconte les déboires d’un faiseur de philtres et potions, ayant fourni un sortilège d’amour à un aristocrate du Château ayant des visées trop hautes pour son rang, et recevant, pour rétribution d’un appât du gain que l’on ne peut que lui pardonner, une sanction aussi terrible que jubilatoire. Enfin, « De la manière de tisser des sorts à Sippulgar » exprime davantage de profondeur. On y visite le sud d’Alhanroel, à la recherche d’explications quant à la disparition du beau-frère d’un marchand nordiste. Ce dernier y est confronté à une profusion de cultes et de croyances diverses, et sous l’opportunisme commercial qui semble avoir présidé à la fin de son beau-frère, c’est l’opposition, le conflit entre raison et foi apparemment irrationnelle qui se fait jour. Silverberg ne tranche d’ailleurs pas dans ce dilemme, laissant seulement penser que certaines choses dépassent parfois notre entendement raisonnable…

L’ultime nouvelle de ces Dernières nouvelles de Majipoor renoue avec l’esprit des trois premiers récits. Dans « Le Septième Sanctuaire », nous retrouvons le personnage de Valentin, neuf ans après son accession au rang de Pontife. En l’absence du Coronal, en visite sur le continent de Zimroel, il prend en charge l’enquête sur un grave meurtre intervenu sur le champ de fouille de Velalisier, l’ancienne capitale des Métamorphes, et que Valentin voyait comme le symbole de la réconciliation des peuples anciens et nouveaux de Majipoor. Outre des éclairages essentiels sur l’origine de l’abandon par les Métamorphes eux-mêmes de leur capitale, on retrouve dans ce texte le goût de Silverberg pour l’archéologie et l’opposition entre mythes et réel. Seul regret de ce beau recueil, l’absence de cartes (comme elles figuraient dans l’excellente édition de poche des Chroniques de Majipoor) et d’une chronologie détaillée, facilitant le repérage.

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