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Faiseurs d’univers et autres récits sur le jeu
samedi 11 avril 2015, par
Christian GRENIER, dir.
France, 1984
Gallimard, coll. "Folio Junior science fiction", 144 p.
Antépénultième volume de cette précieuse collection pour la jeunesse, Faiseurs d’univers s’intéresse au thème du jeu, traité ici sous des angles tellement variés que le sujet en perd peut-être de sa cohérence. Qu’importe, car plusieurs textes s’avèrent particulièrement marquants. Les neuf nouvelles choisies s’équilibrent entre quatre auteurs francophones, et cinq anglo-saxons.
L’humour est au cœur de la short-short-story signée Gérard Klein, « Le jeu » (1960), ou comment se moquer des histoires de Martiens agressifs. Plus crispé, l’humour de Jacques Sternberg pince à vif dans le très bref « La machine à sous » (1958), tandis que Gérard Klein, toujours, se rapproche d’Arthur C. Clarke (« Les neuf milliards de noms de dieu ») avec un « cache-cache » (1960) proche dans sa légèreté de « Le jeu », et qui s’intéresse à l’élucidation du mystère divin. Sur une thématique semblable, celle de l’invasion extra-terrestre passant par le canal des enfants, Philip K. Dick et Ray Bradbury livrent des récits au ton très distinct. « Mini-révolte », du premier, anticipe légèrement sur les Small Soldiers de Joe Dante, d’autant que, dans cette intrigue autour d’envahisseurs dissimulés sous l’apparence d’inoffensifs jouets, c’est une certaine ironie qui domine.
Mais c’est assurément celui de Bradbury, « L’heure H » (1947), extrait de L’Homme illustré, qui emporte la palme de l’impact émotionnel. Il joue en effet sur la capacité d’imagination et d’ouverture des jeunes enfants à l’extra-ordinaire, nous présentant, d’une manière extrêmement crédible et tout en finesse, la menace d’annihilation d’une humanité future trop sûre d’elle-même et de ses défenses. Clifford D. Simak est égal à lui-même dans « Honorable adversaire » (1956), repris dans Histoires de guerres futures. Voilà en effet une nouvelle où le caractère belliqueux de l’espèce humaine se heurte à l’esprit autrement plus joueur d’une race extra-terrestre, la conclusion, très pacifiste, pouvant certainement paraître un rien idéaliste… « Match retour » (1967), seconde nouvelle de Dick dans l’anthologie, explore les liens entre différentes échelles de réalité autour d’un flipper extra-terrestre, mais le récit souffre en partie de son caractère trop long, trop dilué. Dans le genre, on aurait apprécié de voir figurer le célèbre « C’est du billard ! », de Philippe Curval.
Il y a aussi des textes plus faibles, plus anecdotiques, pour tout dire. Il en est ainsi pour « Bon sang de bois » (1970), de Piers Anthony, une histoire d’enfant précoce en coupe de bois qui se retrouve embarqué dans une compétition intergalactique, mais donnant l’impression de tourner à vide. Le récit de Francis Valéry, qui a donné son titre au recueil et semble avoir été spécialement écrit pour lui, s’avère également trop peu original. Le super-ordinateur mis en scène a comme un air de déjà vu, voire de déjà dépassé technologiquement parlant, et les uchronies rapidement imaginées ne débouchent finalement que sur une prise de pouvoir de l’ordinateur. Au final, Faiseurs d’univers… contient quelques moments sympathiques, mais ne s’impose franchement pas comme un des meilleurs titres de la série.