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L’HOMME BICENTENAIRE
jeudi 18 janvier 2001, par
Chris COLUMBUS (1958-)
Etats-Unis, 2000, Bicentennial Man
Robin Williams, Sam Neill, Embeth Davidtz, Oliver Platt
Enfin ! Enfin, Hollywood daigne s’intéresser à cette mine de scénarios que constitue l’œuvre d’Isaac Asimov ! Il aura fallu du temps et de la patience, car un projet existait déjà depuis de nombreuses années : celui-ci, intitulé I, Robot, et rédigé par Harlan Ellison (sa version française est disponible aux éditions J’Ai Lu), écrivain et proche d’Asimov, constituait une synthèse du cycle des robots, mais ne fit malheureusement jamais l’objet d’une réalisation. Bicentennial man , quant à lui, est à l’origine une idée de Wolfgang Petersen, aujourd’hui producteur en plus d’être réalisateur (ah bon, encore ?). Le problème, c’est qu’il s’agit de l’adaptation d’une des meilleures nouvelles du maître, mais qui avait ensuite été transformée en un roman qui n’apportait rien de plus à l’histoire (sinon des longueurs), sous la plume du pourtant talentueux Robert Silverberg. Et entre les deux, les scénaristes ont malheureusement privilégié le roman...
Au final, on se retrouve avec un film encore insatisfaisant, mais qui constitue néanmoins un début encourageant, et pourra peut-être amener certains spectateurs à la lecture du maître Asimov. La réalisation est tout à fait convenable, avec même de vraies bonnes idées de temps à autre (comme le générique en forme de chaîne de production, simple mais efficace), et les acteurs tirent très bien leur épingle du jeu. Une remarque toutefois concernant Robin Williams. En dépit du fait qu’il se sort plutôt pas mal de ce rôle difficile, on peut penser que la volonté d’avoir à tout prix une star pour faire vendre le film n’est pas la meilleure démarche ; et il aurait sans doute mieux valu un acteur peut-être moins connu, mais capable de s’immerger encore plus dans la peau d’un androïde... Reste aussi le cas des proportions du robot, qui apparaît plutôt grassouillet. Mais à la rigueur, on peut imaginer que les constructeurs n’aient pas souhaité créer une mécanique trop belle, et son poids lui assure au moins une incontestable adhérence au sol (curieux, d’ailleurs, que ce robot soit si fragile lorsqu’il saute du premier étage -seulement !- d’une maison de campagne, de même qu’est peu crédible sa maladresse, à l’œuvre dans au moins une scène du film...). Malgré tout, le passage à l’apparence humaine aurait eu tout à gagner à perdre en chemin un peu de cet embonpoint...
Le problème est assez similaire en ce qui concerne la musique. On connaît la tendance de James Horner à s’auto-plagier. Pour le score de L’Homme Bicentenaire, il a produit une partition guère originale et manquant cruellement d’inspiration. Et que dire de la chanson sirupeuse de fin, évidemment interprétée par Céline " Titanic " Dion, qui a cette fois plutôt contribuée à faire couler l’entreprise... En dépit de son relatif échec commercial, ce film mérite d’être revu en vidéo ou DVD. Peut-être même y gagne-t-il à une atmosphère plus intimiste. Car ici, point d’action débordante : le film est apaisant, méditatif, favorable à la réflexion. Les effets spéciaux, pourtant nombreux, y sont d’ailleurs discrets, s’intègrent fort bien à l’environnement réel, et servent surtout à souligner l’évolution du paysage urbain et de la vie quotidienne.
Le scénario, fidèle en cela à l’esprit de l’émouvante nouvelle d’Asimov, explore les implications d’une longue quête de ce qui définit l’humanité, menée par un robot différent des autres. Dommage, d’ailleurs, qu’Andrew soit un cas isolé, fruit d’une erreur de circuit, plutôt qu’un exemple de ce qui pourrait à terme arriver à n’importe quel androïde de sa génération. Signalons en passant que la recherche finalement vaine de ses semblables est l’occasion de présenter de façon purement gratuite de jolis paysages de nature, tout droit sortis de chez Nicolas Hulot (Nicolas, si tu nous lis...). Quant à Galatée, l’androïde femelle ajoutée par le scénariste, elle apparaît surtout pénible et n’apporte en réalité rien à l’histoire.
Andrew franchira donc différentes étapes pour tenter d’atteindre ce qui fait l’essence de l’être humain : le corps ? la liberté (qu’il n’obtiendra en fait jamais, de par la présence définitive des trois lois de la robotique dans son cerveau positronique) ? l’art ? les sentiments, en conflit avec la raison, essence même de l’androïde ? Fidèle à la devise " Mieux vaut mourir debout que vivre à genoux ", Andrew franchira ces différentes étapes, toujours insatisfait, toujours en quête de perfection... imparfaite ! La chute de l’histoire n’en est que plus forte, et laisse en réalité la question ouverte. Dommage, toutefois, que la dernière réplique postule une fois de plus l’archaïsme puéril d’une vie après la mort, que l’on finirait par croire congénitalement ancré chez une grande partie de la population des Etats-Unis !
L’humour est également fort présent, de par les dialogues souvent savoureux, fruit de l’incompréhension fréquente entre robot et humain. Voilà d’ailleurs un autre élément qui caractérise spécifiquement l’humanité, le sens de l’humour ! (désolé pour les extra-terrestres qui nous lisent !). Quant à l’émotion, inévitable suite à la succession des générations que voit défiler et disparaître Andrew, elle reste sobre, évite le mélo et peut difficilement laisser insensible le spectateur au moment de cette grande épreuve qu’est la mort... Un film qui gagne donc incontestablement à être vu, même s’il pourra toujours déplaire sur certains points aux fans d’Asimov.