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La Ligue des gentlemen extraordinaires (volume 2)
samedi 13 février 2016, par
Dessin : Kevin O’NEILL (1953-)
Scénario : Alan MOORE (1953-)
Etats-Unis, 2002-2003
Le second volet des aventures des gentlemen extraordinaires se révèle au moins aussi bon que le premier, maniant toujours avec maestria l’intertextualité et s’autorisant bon nombre de surprises. Tout commence sur Mars, lorsque les armées dirigées par le John Carter de Burroughs acculent les créatures en forme de poulpes, qui décident alors de fuir vers la Terre. Les amateurs de la première science-fiction européenne auront bien évidemment reconnu La Guerre des mondes de Wells, enrichie d’un apport tout personnel.
Alan Moore prend en effet plaisir à reprendre l’intrigue générale du roman, en y apportant ses propres variantes. L’herbe rouge devient l’algue rouge, et surtout, les microbes tueurs de Martiens ne sont plus l’œuvre de la seule nature, mais directement cultivés par les Britanniques : une première guerre bactériologique qui annonce directement les massacres du XXe siècle (d’autant que les civils londoniens sont eux aussi victimes des maladies utilisées). Même visuellement, les tripodes de Kevin Neil semblent bénéficier de l’iconographie des Martiens du film de Byron Haskin. Surtout, au cœur de cette invasion de grande envergure, on suit une Ligue en plein éclatement. L’homme invisible a en effet décidé de trahir ses compagnons, et le comportement de Hyde, qui semble avoir définitivement pris le dessus face à Jekyll, suscite la répulsion d’un Nemo finalement démissionnaire. Il faut dire que ce second volume use avec beaucoup plus de liberté du sexe, comme une transgression radicale de la morale victorienne. Outre les relations entre Mina et Quatermain, les auteurs vont jusqu’à mettre en scène (non sans astuce, de manière voilée) une sodomie homosexuelle ! Beaucoup de pessimisme et de tragique, donc, par-delà une certaine vision de la liberté, qui se pimente des innombrables rencontres de personnages fictionnels, du Docteur Moreau au Docteur Oméga (avec un clin d’œil à Jean-Marc Lofficier !), en passant par les créatures de Kenneth Grahame dans Le Vent dans les saules.
La BD proprement dite est une fois de plus complétée par de copieuses annexes. La plus importante est « L’almanach du globe-trotter », un guide touristique de l’ensemble de la planète qui fourmille de références à la littérature, aux mythes, véritable somme métatextuelle qui ne peut que susciter l’indigestion ; on y apprend également le sort de ce qui reste de la Ligue après les aventures de ce second volume, ainsi que des éléments sur l’existence d’un pendant français et négatif (les Hommes mystérieux) et d’incarnations antérieures de la Ligue. Ajoutez à cela des couvertures supplémentaires, un jeu de l’oie, des activités diverses, le tout irrigué par un sens de l’humour très second degré, et vous aurez assurément compris que cet objet transfictionnel est un must !