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Dimension sidération
samedi 5 mars 2016, par
Noé GAILLARD
France, 2016
Black Coat Press, coll. "Rivière blanche", série Fusée n°43, 224 p.
ISBN-13 : 978-1-61227-490-4
La sidération, c’est cette idée théorisée par Serge Lehman, pour qui elle serait une des caractéristiques fortes de la science-fiction. Reconnaissons toutefois que ce lien est relativement lâche, profondément vaste, et qu’il autorise finalement tous les développements possibles et imaginables. C’est ce que confirme le contenu de cette anthologie, d’autant que la préface ne cherche pas à affiner la définition du sujet choisi. Onze textes inédits sont au programme, un panel extrêmement varié dans ses déclinaisons et ses genres.
« Les Bienheureux des pieux », signé Pierre Bameul, est un texte iconoclaste, se moquant (gentiment) de l’Eglise catholique, mais qui ne restera probablement pas dans les mémoires. « Singulières présences », de Jan Thirion, privilégie le fantastique, avec l’attaque inattendue d’une horde d’animaux sur une ville, l’occasion d’une chute somme toute traditionnelle dans le genre. Côté science-fiction, « Siderator » d’Alain Dartevelle renouvelle le thème de la gorgone, à travers le sort qui attend un joueur né. Pierre-Noël Druillard, avec « Hommages », livre un texte qui est un clin d’œil sans doute un peu trop direct à Jorge Luis Borges et son Aleph, la sidération y étant finalement trop prévisible. Quant à « L’étoile d’ailleurs », de Christian Léourier, c’est une nouvelle qui évoque beaucoup Rendez-vous avec Rama, d’Arthur C. Clarke, un point de départ possible pour un véritable roman.
Parmi les nouvelles que je trouve les plus réussies, il faut absolument citer « Sideratio », de Bruno Lecigne : un conte de fées à tiroirs, qui croise bien des références, de Blanche Neige à Stormbringer ou Frankenstein, pour un résultat à la fois prenant et très bien maîtrisé. Moins original, mais d’un classique efficace, « Les tubercules de Trivia », de Jean-François Thomas, nous décrit la tentative de colonisation par un échantillon d’humanité d’une exo-planète, et la réalité sidérante de cette dernière : ou comment l’espèce humaine semble condamnée à ne jamais comprendre l’autre. Quant à « A l’ouest de Karaburuni, il y a encore des vaisseaux fantômes », c’est à mon sens un des plus beaux textes du recueil. Cette histoire de personnage fasciné par les dieux grecs, dans le contexte de l’Albanie d’Enver Hoxha, réutilise avec brio la figure emblématique du Hollandais volant, et s’avère être d’une grande authenticité humaine.
Et puis il y a ce qu’on pourrait appeler les inclassables, des nouvelles un peu déjantées, qui brisent les limites. « Âge sans visage », de Bernard Henninger, en fait partie, son histoire de space opera -une expédition chargée de retrouver la carcasse d’un vaisseau échoué sur un satellite de Saturne- possédant des personnages pour le moins fantasques, une sexualité parfois débridée, sans oublier l’existence, originale, d’une sorte d’ordinateur organique, fait de l’osmose entre plante et cerveau humain… Déjanté, on vous a dit ! « Dossier Strange Fruits », de Michel Lamart, ressemble fort à une mise en abyme sur l’acte d’écrire, mais il nécessite assurément plusieurs lectures pour bien en saisir le sens. Daniel Walther surprend moins, tant l’on connaît la prédilection de ce Grand Ancien pour une prose ciselée, volontiers psychédélique. « Puis la « Sidération » pénétra en lui, comme l’aiguille d’une seringue de Pravaz » semble nous décrire la lente décrépitude d’un astronome malade, sur laquelle plane l’esprit d’Olaf Stapledon ; un texte construit sur le modèle d’une composition postsérielle (sic).
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