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La Forêt de cristal

samedi 26 mars 2016, par Maestro

James G. BALLARD (1930-2009)

Grande-Bretagne, 1966, The Crystal World

La Forêt de cristal s’inscrit dans une tétralogie, dite des Apocalypses, dont font également partie Le Vent de nulle part, Le Monde englouti et Sécheresse. Toutefois, à la différence d’autres romans cataclysmiques britanniques de la même époque, tel Le Jour des Triffides de John Wyndham ou Terre brûlée de John Christopher, l’ouvrage de Ballard s’avère plus original, plus déroutant, relevant bien de cette fameuse new wave anglo-saxonne.

L’action se passe au cœur de l’Afrique, dans la région du Cameroun. Sanders, un médecin spécialiste de la lèpre, doit rejoindre son nouveau poste, et souhaite au préalable revoir un couple de très proches amis, dont Suzanne n’est autre que son ancienne maîtresse. Toutefois, il se rend rapidement compte que la zone dans laquelle il comptait se rendre est sous contrôle de l’armée. Visitant le marché de la ville dans laquelle il est coincé, il y découvre des œuvres d’art singulières, produits d’un phénomène inédit de cristallisation. Il fait également la connaissance de Louise, une jeune journaliste française avec qui il entame une relation charnelle. Plusieurs figures étranges croisent par ailleurs sa route, du prêtre Balthus au capitaine Aragon, en passant par Ventress, qui s’était servi des bagages de Sanders pour dissimuler son arme… Lorsqu’il parvient à se rendre dans la zone interdite, c’est pour découvrir une jungle en proie à une mutation extensive, les végétaux et les animaux s’y retrouvant peu à peu prisonniers de gangues éclatantes, gemmes d’un nouveau genre. Suzanne, atteinte de la lèpre, semble quant à elle irrésistiblement attirée par cette forêt, au sein de laquelle la physique traditionnelle n’a plus cours.

Troublant, La Forêt de cristal semble fort être une réponse au roman de Joseph Conrad, Au Cœur des ténèbres, tout au moins une déclinaison sur un arrière-plan similaire. On y trouve en effet un cadre identique, jusqu’à certains personnages proches du fameux Kurtz, qui est ici comme dédoublé entre Ventress et Thorensen, tous deux pratiquants de la violence autodestructrice. Toutefois, là où le premier dénonçait les ravages du colonialisme et du sentiment de supériorité européen, le second met en scène une forme d’impuissance, presque de transcendance, les « victimes » du phénomène n’ayant qu’un seul désir, retrouver leur chrysalide de verre. Car La Forêt de cristal, sous des apparences poétiques avec ses descriptions fascinantes du phénomène de cristallisation, véritablement surréaliste, s’appuie sur un propos quasiment hard science, invoquant une modification du temps à l’échelle cosmique. On peut même y voir une forme d’intrusion de la physique quantique hors du domaine de l’infiniment petit, conduisant à un éclatement de la réalité.

Les facettes de ces joyaux vivants sont autant de multiplication des situations et des personnages, avec des scènes semblant se répéter (ainsi du départ final, déjà vu) et des individus doubles (outre Ventress et Thorensen, il y a Aragon et Radek, Suzanne et Louise, mais également Serena, voire Balthus et Sanders). Ce n’est sans doute pas un hasard si La Forêt de cristal est pratiquement contemporain du film d’Alain Resnais, Je t’aime, je t’aime.

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