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Le Voleur de foudre
Le commun des immortels
dimanche 7 août 2016, par
Rick RIORDAN (1964-)
Etats-Unis, 2005, The Lightning Thief
Quand Rick Riordan voit publier Le Voleur de foudre en 2005, premier tome des aventures de Percy Jackson, il n’en est pas à sa première série de littérature pour la jeunesse en ayant en cours depuis 1997 une autre série, plusieurs fois récompensée mais toujours pas publiée en français. Cette même année 1997 est publiée la première aventure d’Harry Potter et je ne peux m’empêcher de penser que le phénomène Potter a pas mal influencé Riordan dans sa création de Percy Jackson, et pas seulement par la recherche d’un succès en répondant au goût du lectorat pour le fantastique.
Car les points communs sont nombreux et ne se limitent pas à être de la littérature fantastique pour la jeunesse. Comme Harry Potter, Percy Jackson a des rapports familiaux compliqués – une composante sans doute séduisante pour les jeunes lecteurs qui pouvent y voir un écho extrapolé de leurs éventuels problèmes familiaux et déstinée à susciter leur sympathie, ce qui n’est pas franchement nouveau depuis Victor Hugo ou Charles Dickens – puisque Percy Jackson n’a jamais connu son père et que sa mère s’est mariée avec un homme absolument détestable. Comme Harry Potter, Percy a plein de problèmes – autre constante de l’adolescence -, outre une forte dyslexie et des difficultés de concentration, il se produit plein d’accidents autour de lui qu’il attribue à la malchance. Comme Harry Potter, Percy n’est pas le commun des mortels et a une destinée à accomplir, ce qui est bien dans l’esprit de la mythologie grecque. Autant dire que cela fait beaucoup de similitude et que Rick Riordan a pu largement se laisser influencer par l’exemple de Rowling en astucieusement faisant le choix d’un univers imaginaire tout à la fois riche et plus délimité dans lequel inscrire son histoire, celui de la mythologie greco-romaine, à la différence cette fois d’Harry Potter dont les aventures sont le carrefour de tous les mythes et mythologies.
Ses problèmes lui vallent d’être renvoyé de toutes les écoles qu’il fréquente jusqu’à échouer à Yancy, un internat pour les cas désespérés dans le Nord de l’Etat de New York, où ses résultats scolaires demeurent médiocres mais où il se lie d’amitié avec Glover, un élève handicapé moteur perpétuellement poursuivi par les moqueries des autres, et rencontre M. Brunner, son professeur de latin – le corps professoral français pourra se réjouir qu’on fasse faire du latin même aux cancres aux Etats-Unis ou se montrera dubitatif, non sans raison à mon avis – qui se montre très éxigeant avec Percy et organise la sortie scolaire au département des antiquités du musée de Beaux-Arts de New York qui ouvre le roman et marque le début des aventures du jeune héros qui a alors douze ans.
Attaqué par un monstre, Percy se croit d’abord victime d’hallucinations, mais une deuxième agression par un minotaure lors d’un week end au bord de la mer à Long Island marque le début d’une série de révélations et l’amène à échouer dans une étrange colonie de vacances perdue dans la forêt et cachée des hommes. Percy finit par comprendre qu’il est le fils du dieu de l’Olympe Poseidon qui ne tarde pas à le reconnaître comme tel. De découvertes en découvertes, Percy apprend que ce qu’il prenait pour de la mythologie a bel et bien une existence réelle et que les tensions entre les dieux existent aussi, que son professeur de latin est en fait le centaure et précepteur Chiron, qu’il n’est pas dyslexique mais a simplement plus l’habitude de l’alphabet grec et qu’il va avoir des problèmes, car en tant que demi-dieu ou héros, pas mal de monstres veulent sa peau et qu’en plus, en tant que fils de Poseidon, il est suspecté d’avoir volé la foudre de Zeus et d’ainsi de chercher à déclencher une guerre entre les dieux dont les manifestations ne manqueraient pas de se traduire sur le monde des hommes. Pour se disculper, Percy doit, à l’instar de tous les héros mythologiques, accomplir une quête qui va le mener à traverser les Etats-Unis, odyssée au cours de laquelle lui et ses amis, Annabeth, fille d’Athéna et Glover le satyre protecteur, sont confrontés à toutes sortes de monstres et de dangers tirés de la mythologie dans un récit rythmé comme il se doit dans la littérature jeunesse.
Reconnaissons, à la différence de l’adaptation qui en a été faite, que le roman de Riordan n’est pas la Mythologie pour les nuls. Certes on y trouve le B.A.BA de celle-ci, depuis la Gorgone Méduse jusqu’à la déscente aux Enfers, mais Riordan a su rentrer dans les détails moins connus du grand public comme la liaison entre Arès et Aphrodite et l’affaire du filet d’or ou les séjours de Perséphone à la surface rythmant les saisons. Gageons qu’il y a lecture moins instructives pour les jeunes. L’auteur exploite bien son filon, avec intelligence et sans trop déformer les mythes, et Le Voleur de foudre bénéficie d’un succès assez bien mérité et ce en dépit d’un ou deux passages douteux dans lequel l’Américain qu’est l’auteur réapproprie à ses concitoyens la mythologie qu’il évoque en expliquant que c’est le fondement de la civilisation occidentale, ce qui est vrai, et que les Etats-Unis sont le guide du monde occidental ce qui explique la présence de l’Olympe et de ses mythes dans ce pays dans le roman. Un passage court certes et point trop assené avec véhémence, mais sur un ton qui, dans le contexte de parution du livre en 2005, – soit deux ans après l’invasion de l’Irak par l’armée des Etats-Unis commandée par George W. Bush – semble quelque peu inapproprié. Il ne faut cependant pas oublier que justement parce que l’auteur est américain, il écrit d’abord pour ses compatriotes, mais ce n’est pas une excuse.
Le succès a donc été au rendez-vous. Délaissant sa première série pour laquelle il n’a ensuite écrit qu’un seul tome supplémentaire en 2008, Rick Riordan se consacre dès lors à l’univers Percy Jackson avec adaptation et séries spin-off à la clé.