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HORROR HOTLINE... BIG HEAD MONSTER
mardi 1er octobre 2002, par
Cheang Pou Soi
Hong Kong, 2001, Hung biu hyn sin ji daai tau gwaai ang
Josie Ho, Francis Ng, Sam Lee, Bonnie Wong
Enfin ! Enfin un film fantastique de Hong Kong qui se décide à prendre son sujet au sérieux ! Même si c’est probablement le résultat de la mode du moment (Le Projet Blair Witch et Ring étaient passés par là) ça fait plaisir de voir l’ex colonie ne pas traiter le fantastique sur le ton de la comédie comme cela a été le cas pendant longtemps (voir bon nombre de films de HK que j’ai critiqué ici même). C’est d’autant plus appréciable que le film s’en sort pas mal du tout.
Ben est producteur d’un programme de radio ou les auditeurs racontent les histoires effrayantes qui leur sont arrivés. Alors qu’une équipe de journalistes effectue un reportage sur l’émission, un auditeur se met à raconter une histoire particulièrement éprouvante sur un bébé à l’apparence difforme. Intrigués les journalistes et Francis commencent à enquêter sur l’anecdote. Les indices qu’ils collectent semblent en prouver la véracité. Mais les évènements prennent une tournure encore plus dramatique quand l’un des membres de l’équipe est retrouvé mort dans d’horribles circonstances. Le groupe en voulant éclaircir tous ses atroces évènements s’enfoncent davantage dans l’horreur...
Cheang Pou Soi a tout compris. Il réussit à réunir dans son film tous les ingrédients qui donnent un bon film d’horreur. Ces ingrédients sont simples : traiter son sujet avec sérieux, donner un spectateur un personnage auquel s’identifier et faire naître l’horreur de situations ancrés dans le réel et un minimum familier à toute personne. La grande majorité des meilleurs films d’angoisse obéissent à ces règles. Shining par exemple, très souvent cité comme une référence du genre, suit le même schéma. Jamais Kubrick ne nous accorde de pauses humoristiques qui nous permettrait de nous faire décompresser, le personnage de Wendy (l’épouse de Jack) est le personnage identifiant et la folie qui s’empare de Jack est une chose suffisamment familière (qui n’a jamais eu des moments de stress énorme en travaillant ? Qui n’a jamais eu des bouffés de paranoïa de temps en temps ?) pour qu’on y croit.
Or donc, pas de clins d’œil complices ou de vanne facile dans ce Horror Hotline...And Big Head Monster, Cheang affronte son histoire frontalement. Le bougre le fait plutôt bien en soignant ses plans, jouant avec l’obscurité et le silence pour faire monter la tension. Il parvient ainsi à créer une véritable ambiance angoissante tout en maintenant un rythme adéquat (ni trop lent pour ne pas être ennuyeux, ni trop rapide pour ne pas perdre ce climat de peur). Son sujet de départ étant plutôt casse gueule, il opte pour la suggestion quand il doit utiliser son " monstre ", un choix parfaitement en accord avec le ton du film et qui marche à 100%.
Les personnages identifiant ce sont Ben et Mavis. Deux personnages parfaitement crédible, pragmatiques et avec un vécu propre (l’ambition professionnel de Mavis, les problèmes de couple de Ben) qui renforce encore leur potentiel d’identification. Leur réactions contrastés face aux évènements est dans la logique des personnages et dans le sens de cette recherche de crédibilité si nécessaire à un film de ce genre. Les acteurs sont aux diapasons, la prometteuse Josie Ho (Purple Storm) et l’expérimenté Francis Ng (Juliet In Love), jouant tout en retenu et en finesse. Même Sam Lee, dont on pouvait craindre beaucoup vu sa mauvaise tendance à cabotiner s’en sort pas trop mal. A noter aussi que le film donne un rôle relativement important (et pas de méchants) à deux " gweilos " (occidentaux), ce qui est assez rare dans le cinéma de Hong Kong pour être signalé.
Enfin, l’arrière fond urbain du film et son utilisation est aussi à mettre au crédit de Cheang. Tout comme c’est le cas du choix du monstre, ce bébé difforme. Ces différents éléments nous sont familiers, nous donnent des repères auxquels nous raccrocher mais prennent une tournure particulièrement angoissante au fur et à mesure que le fantastique prend sa place. Du très bon boulot.
Mais, car il y a un mais, Cheang oublie tout de même un ingrédient à sa potion magique qui aurait pu rendre son film imparable. Il s’agit tout simplement d’un scénario plus travaillé et/ou la richesse thématique d’un véritable auteur. Car si le film est d’une efficacité remarquable pendant un peu plus d’une heure, le dernier quart d’heure est une déception. Cheang semble réaliser qu’il doit conclure son film et, incapable de faire se converger les différents éléments qu’il a développé le long des 2/3 du métrage, il nous improvise une fin à la Blair Witch trop convenu et fade pour convaincre. Très dommage car entre le sort des 7 étudiants qui avaient découverts le bébé ou le développement de la culpabilité de Ben par rapport à l’avortement de sa femme, le réalisateur disposait de nombreuses pistes lui permettant de conclure puissamment son histoire. Il aurait juste fallu qu’il y pense avant de tourner et suive le cours de son récit jusqu’au bout. Reste que même si la fin déçoit Horror Hotline...And Big Head Monster est très satisfaisant pour une première tentative dans le genre et montre que le cinéma Hong Kongais peut réaliser des films angoissants.