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IL ETAIT UNE FOIS L’ESPACE

lundi 8 janvier 2001, par Maestro

Albert BARILLE (1920-2009)

Année : France, 1982

Bon, je ne vous cacherai pas qu’il est toujours délicat de faire la critique d’une série animée dont on a été (toute modestie mise à part) l’une des stars... Mais enfin, mon esprit scientifique devrait suffire à prendre suffisamment d’objectivité par rapport à ma grosse tête... Enfin, bon, qu’est-ce que je disais, déjà ? Ah, oui, la série...

Il était une fois... l’espace, véritable space-opéra animé, est en fait un condensé et un résumé d’un grand nombre de thèmes de la science-fiction. Citons, en vrac, la patrouille spatiale, l’hyper-espace, les pouvoirs télépathiques (incarnés dans le personnage de Psi), les civilisations galactiques vieilles de centaines de millions d’années et disparues depuis (il y est fait allusion dans " Les Incas " et " Les anneaux de Saturne "), le retour à l’état sauvage de colons terriens échoués sur une planète hostile, les batailles spatiales (" combat de titans ") et les sempiternelles explorations de mondes inconnues à la Star Trek.

Par ailleurs, manque d’imagination ou pas, certains épisodes sont l’occasion de combler des vides de la série Il était une fois... l’homme (" Chez les dinosaures ", très pédagogique, avec son hypothèse désormais datée de l’explosion d’une supernova pour expliquer leur disparition) ou d’y faire des allusions évidentes (" Les cro-magnons ", " Les Incas "). Toutefois, au sujet de ces deux épisodes, justement, on touche à une des problématiques secondaires de la série, directement inspirée des hypothèses fumeuses popularisées entre autre par Jacques Bergier (voir Le matin des magiciens) : l’idée selon laquelle la Terre aurait été visitée en des temps immémoriaux par des extra-terrestres, et que l’histoire telle que nous la connaissons est largement incomplète, étant donné qu’avant la préhistoire de nombreuses civilisations avancées se seraient succédées... Ces thèmes sont particulièrement visibles dans " Les Incas " -avec l’allusion à l’utilité des pistes de Nazca, en Amérique du sud, comme pistes d’atterrissage pour visiteurs extra-terrestres- et dans " L’Atlantide ", toujours très à la mode (quelques années plus tard, la série Les mystérieuses cités d’or allait également s’emparer de ces thèmes, mais en les traitant de façon plus intéressante).

Du point de vue du design, les vaisseaux dessinés par Manchu (connu comme illustrateur de romans de SF, au Livre de Poche en particulier) sont particulièrement réussis, évoquant des animaux marins (requins, baleines) ou des insectes volants (libellules), voire des mécaniques rigides et bien huilées (les forces du grand ordinateur, en particulier). Un vrai régal pour les yeux, qui n’est pas sans rappeler l’âge d’or des pulps et des illustrations américaines de space opéra des années 50, par exemple.

Les 26 épisodes de la série s’articulent autour des problèmes suscités par la gestion d’une organisation extrêmement vaste, la Confédération Oméga (relativement proche de la Fédération Intergalactique dans Star Trek), en particulier les problèmes diplomatiques que posent les difficiles relations avec Cassiopée, dirigée par le général Le Teigneux. Mais à partir du 17ème épisode, apparaît l’alliance de dupes entre celui que l’on devine comme étant le Grand Ordinateur et Cassiopée. Les choses deviennent alors beaucoup plus intéressantes, les humanoïdes étant très loin de la caricature de dictature que représente Cassiopée. L’épisode " le grand ordinateur " est à cet égard particulièrement réussi, puisqu’il aborde des problèmes qui dépassent les préoccupations infantiles : sa volonté d’aider l’humanité à vivre en paix, contre son gré s’il le faut, n’est pas sans évoquer la notion de loi zéro de la robotique, élaborée par Asimov dans le cycle de Fondation. Plus, l’épisode final, à la conclusion propice à la réflexion, est un habile mélange de 2001, l’odyssée de l’espace et de Créateurs d’étoiles d’Olaf Stapledon, sans nécessairement que le souci de spiritualité soit incompatible avec athéisme, liberté et matérialisme.

En même temps, ce dessin-animé fut l’occasion de faire l’éloge des valeurs de démocratie, de tolérance, de fraternité et de complémentarité des espèces. De la même manière, la dimension écologique est très présente, avec la nécessité de préservation de l’environnement (" La planète verte ", ou le savoureux résumé de la situation à la fin du XXe siècle dans l’épisode " Cassiopée "). Plus novateur encore, c’est une femme, Pierrette, qui occupe les fonctions de présidence de la confédération, à une époque où les femmes avaient encore une place rien moins que négligeable dans la vie politique française.

Comme avec toutes les séries d’Albert Barillé, on retrouve les même types de personnages, un Pierre et un Legros plus vieux, Maestro, Petitgros, Le Teigneux et Le Nabot, avec en prime l’adjonction de Psi, ainsi que du robot Métro, véritable encyclopédie sur roulettes au caractère bougon mais irrésistible, servi par le timbre inimitable de Roger Carel ! Avec Pierrot, ils forment une équipe qui marche, d’autant que les relations de ce dernier avec Psi sont toutes empreintes de complicité (renforcée par leur proximité télépathique) et de tendresse (platoniques, cela va de soi, vu le public visé !).

Il est également intéressant de relever les allusions, déguisées ou non, à la situation politique de l’époque. Ainsi, le drapeau de la confédération d’Oméga évoque celui de la CEE (même si l’ONU apparaît aussi en filigrane) ; Et, plus amusant, ne peut-on pas voir, derrière le personnage exubérant du général Le Teigneux, une caricature de Georges Marchais ? D’autant qu’on vivait alors dans un climat de durcissement des relations entre les deux blocs. D’un point de vue strictement formel, on peut regretter un certain nombre de faiblesses dans l’animation : sautes d’image à image, mouvements pas toujours fluides. De la même manière, le doublage souffre d’un nombre limité d’acteurs ; et le talent de Roger Carel ne peut suffire à tout faire passer. Par contre, Il était une fois... l’espace ne serait pas ce qu’il est sans la formidable musique de Michel Legrand : des orchestrations de qualité, mélange d’instruments classiques et d’influences jazz, des mélodies qui vous trottent dans la tête (et qui subsistaient toujours dans un coin de la mienne, près de 20 ans après leur première vision !).

Bref, une série animée qui, malgré le fait qu’elle soit avant tout destinée à un public juvénile, sait séduire un public adulte et prouve, tout comme les films de René Laloux, les incontestables capacités françaises dans l’animation de SF. A revoir, par nostalgie ou tout simplement par plaisir...

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