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La Complainte d’Eurydice

dimanche 14 mai 2017, par Maestro

Brian STABLEFORD (1948-)

Grande-Bretagne, 2015, Eurydice’s Lament

Black Coat Press, coll. "Rivière blanche", série Fusée, 240 p.

Brian Stableford, véritable cheville ouvrière des éditions Black Coat Press, maison mère aux Etats-Unis de Rivière blanche, a par le passé eu l’honneur de plusieurs titres dans la collection Fusée : outre un recueil de nouvelles intitulé comme de juste Dimension Brian Stableford, il faut signaler L’Ombre de Frankenstein et surtout La Muse égarée. Ce dernier ouvrage se composait en effet de trois textes, ayant pour cadre l’île de Mnémosyne, un monde en retrait du monde, située au large de la France, et appartenant à un empire romain plurimillénaire. Cet arrière-plan uchronique n’est toutefois pas ce qui intéresse au premier chef Brian Stableford.

Le cœur de ses intrigues, ce sont les artistes, dont l’île est une sorte de refuge. L’un des plus célèbres, personnage principal du roman, est maître Axel Rathénius, peintre renommé, qui s’est vu confier un triptyque consacré au mythe d’Orphée et d’Eurydice. Alors qu’une neige laissant des traces noirâtres s’abat sur Mnémosyne, évoquant de sombres présages, un jeune peintre en pleine ascension, dont l’agent est la même que Rathénius, arrive pour s’installer près de ce dernier. L’accompagnent sa femme, ayant servi de modèle pour un portrait d’Eurydice, justement, et leur fille adoptive, douée d’étranges capacités. Parallèlement, Rathénius découvre que l’héritage qu’il avait inopinément reçu d’un ancien voisin, constitué d’une collection de livres, abrite en réalité un inestimable parchemin : il s’agirait en effet de la transcription codée en langue des soupirs, le langage des morts, de la partition utilisée par Orphée pour séduire les habitants des enfers. Dès lors, il devient bien malgré lui l’enjeu d’une lutte ancestrale entre deux sociétés secrètes, celle des Dionysiens et celle du culte d’Orphée…

La Complainte d’Eurydice dévoile ses profondeurs très lentement, prenant son temps pour installer une ambiance, avant une succession de révélations permettant à l’intrigue d’acquérir toute son ampleur. Au-delà d’un crescendo très habilement maîtrisé, qui culmine dans une scène aussi surprenante que frappante, et d’un coup de pied vers les religions plus exclusives que le paganisme laïc de cet empire romain prolongé, le roman vaut principalement par les réflexions qu’il propose sur la nature de l’art. Fidèle à la vision fin de siècle qui est celle de cette île, Brian Stableford relie classiquement inconscient et création artistique, avec des prolongements vers le spiritisme, si à la mode dans la seconde moitié du XIXe siècle, voire vers la noosphère de Teilhard de Chardin : où quand l’art devient action sur le réel. Il y a là une véritable forme de mise en abyme. Tout aussi appréciable, la réinterprétation de la légende d’Orphée, dans une lecture très féministe, éloignée du beau texte de Robert Silverberg, Le Dernier chant d’Orphée. Orphée devient ainsi un égoïste, manipulateur et meurtrier, tandis que le choix d’Eurydice de demeurer au royaume des morts se mue en acte de résistance, en déclaration de liberté, tant l’amour entre ces deux êtres était d’emblée déséquilibré.


Pour commander La Complainte d’Eurydice suivez le lien vers les éditions Black Coat Press !

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