Les Lois du hasard. Dimension Alain Le Bussy 2

Marc BAILLY

France, 2017

Black Coat Press, collection Rivière blanche, Série Fusée, 246 pages.

Alain le Bussy (1947-2010), passionné des littératures de l’imaginaire, fut un passeur, un médiateur et un auteur de premier plan, quand bien même cette dernière casquette n’est pas nécessairement celle dont on se souvient le plus. L’initiative de Rivière blanche, proposer une sélection de ses nouvelles, était donc bienvenue, ayant déjà généré un premier volet en 2014 sous le titre Le Rêve de l’exilé. En voici la suite chronologique, qui porte cette fois sur la décennie des années 1990.

La science-fiction est clairement la mieux représentée au sein des quatorze nouvelles sélectionnées. Il est souvent question de contact sur des exoplanètes, soit pour tenter de comprendre des coutumes extra-terrestres (« Le don de la force »), soit pour essayer de prendre à son propre jeu une entreprise profitant des colons (l’amusant « C.I.E.L. »). Dans ce domaine, « Craqueur », qui figure au sommaire de l’anthologie Les Passeurs de millénaires, est un des textes les plus intéressants, la mise en place difficile d’une communauté aux tendances anarchistes ayant besoin d’un stimulus extérieur pour se stabiliser… Autre franche réussite, « La visite de M. Futur », sympathique jeu sur les paradoxes temporels, en même temps que mise en abyme sur le genre… « Audimat » relève davantage de l’anticipation, visiblement influencé par une certaine évolution de la télévision, perceptible dès les années 1990, puisqu’il met en scène un jeu télé trash, usant des ficelles de la violence et du voyeurisme.

Il en est de même pour « Copyright garanti », ce contrôle des éditeurs sur le contenu des livres n’étant pas sans se rapprocher de celui pratiqué sur les livres numériques par les grands distributeurs, comme Amazon (belle prescience de l’auteur). Quant à « Le temps des trésors », on peut y voir un récit pour la jeunesse, délicate initiation au voyage dans le temps. Mais à mon sens, le plus beau texte est « Le vaisseau qui devait venir ». Voilà en effet une histoire traditionnelle, celle d’une ancienne colonie humaine sur une lointaine planète, mais traitée avec sensibilité et poésie, allant jusqu’à évoquer ces références que sont Le Désert des Tartares ou Le Rivage des Syrtes. Magique et poignant.

Les autres genres de l’imaginaire ne sont pas oubliés. «  La fille qui avait peur de l’eau » est ainsi un très joli conte, un fantastique incrusté au cœur de notre quotidien, celui du monde du travail et de la consommation, qui n’en est que plus poignant. On pourrait y rattacher « Deux ! », histoire de mutants dont l’origine des pouvoirs n’est pas explicitée, au profit d’une réflexion sur la solitude, comme avait magistralement su le faire Robert Silverberg dans L’Oreille interne. «  Inné  ! », par contre, est une histoire de vampires un peu plate, qui ne met pas suffisamment à profit son cadre géographique et culturel. « Le prisonnier sans visage » relèverait pour sa part davantage de la fantasy, et tire sa force de son personnage principal, puissante influence visuelle. « Infranchissable » cultive plutôt l’absurde afin de mettre en exergue le danger représenté par l’homo sapiens pour le reste de l’univers.

Seul «  Expédition à haut risque  » est hors-sujet, pochade sur le risque à aller assister à un match de football au sein de supporters chauffés à blanc (on devine ici le problème du hooliganisme). Alain le Bussy a beau ne pas innover avec éclat, dans son traitement des thèmes classiques de la science-fiction, il parvient toujours à capter son lecteur, grâce à la patine authentique dont il revêt ses récits, et à des chutes souvent réussies. Rendez-vous pour un troisième tome !