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Lothar Blues
dimanche 30 septembre 2018, par
Philippe CURVAL (1929-)
France, 2008
Le Livre de poche, coll. "Science-fiction", 552 p., 2013.
Lothar Blues, qui marqua le retour de Philippe Curval dans la collection de son complice générationnel Gérard Klein, est un roman riche, foisonnant, ultime déclinaison du cycle informel de l’Europe après la pluie. Le Marcom a été remplacé par Bruxbourg, et les souvenirs des Années de chien, période de crises et de difficultés, font peut-être référence à la situation du Dormeur s’éveillera-t-il ? ; quant à l’introduction des travailleurs mécaniques, ils permettent d’expliquer la prospérité retrouvée de l’Europe « sociale-libérale » (p. 19).
Noura M’Salem est un artiste au succès insolent, générateur de génie des envirtuels, des reproductions interactives profondément immersives. Il s’interroge toutefois sur ses origines, sur son père, peut-être assassiné suite à ses recherches sur le possible inconscient des robots, sur sa mère, disparue en le laissant à la charge d’un metteur en scène de théâtre roumain, Ion Cuzna. Lorsque Noura reprend possession de Lothar, le robot qui l’avait éduqué dans son enfance, il débute une quête des origines qui va lui faire retrouver la trace de deux anciens amis de ses parents, Sylvain Borodine, expert es robots, et Pierre Freixa, marginal devenu ponte du marché de l’art.
Noura va surtout découvrir l’existence d’une sœur totalement inconnue, Skylee, Le contre-modèle social mis en scène depuis longtemps par Curval finit par voler en éclats, L’action contestatrice de Karel Burr y joue un rôle, mais ce leader populiste et démagogue, instigateur d’une révolution anti-robotique franchement repoussante, illustre l’impasse que constitue pour Curval la technophobie primaire, à travers l’idéologie POSTECHN (« Sous les dehors d’un retour aux racines des âges primitifs, Burr comptait faire main basse sur l’Europe en proie à une hyperréglementation de ses structures, cause d’un terrible malaise social. Visait-il la prise de pouvoir afin d’imposer ses idées à contre-courant de l’histoire ? Ou pour servir au confort personnel d’une nomenklatura dont il dirigerait les actes en sous-main ? », p. 26.). Par ailleurs, derrière les révélations sur les origines de l’humanité, à la fois profondément matérialistes et négatrices de toute vanité, contrepied total de Benford (Dans l’océan de la nuit), on reconnaît le goût de l’auteur pour une philosophie du hasard (objectif ?).
Les préoccupations fondamentales de Curval s’y déploient une fois encore, l’importance du travail et de la création, et une méfiance renforcée face à ce que devient la société numérisée, « (…) cet univers consacré à la destructuration du réel, à l’illusion, au virtuel, à la communication permanente sur le réseau (…) » (p. 128)