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INSOMNIES
samedi 6 octobre 2001, par
Michael WALKER
Etats-Unis, 2001, Chasing Sleep
Jeff Daniels, Emily Bergl, Gil Bellows
C’est l’histoire d’un jeune réalisateur qui a tout compris. A l’école de cinéma, il a beaucoup potassé son Petit Lynch Illustré, avec sa façon de faire longuement écouter une bande-son considérablement travaillée avant de montrer. Il a épluché Roman Polanski, sans doute aussi Hitchcock et Kubrick. Et il a tout compris. Vraiment. Alors il a réalisé son premier long sur un thème qui aurait plu à ses maîtres : la folie claustrophobique. Avec du Freud partout. Si vous ne comprenez rien à Freud, allez voir Insomnies. Il y a tout. Même la mère castratrice y passe.
Ed Saxon souffre d’une frustration initiale, sa femme n’est pas rentrée pour dîner. Et Ed ne dort plus, espionne ses voisins qui baisent et se battent bruyamment, avale tous les cachetons qu’il trouve. Les heures passant, puis les jours, Ed, sa conscience et son inconscient dialoguent par l’image toujours impeccable du réalisateur. Contrairement à ce à quoi on pourrait s’attendre, l’autre personnage principal n’est pas Eve, la femme absente, mais la maison du couple. A l’intérieur, on ne sait jamais, dans cet éclairage constant, sombre et coloré à la Lynch, si l’on est le jour ou la nuit, sauf quand la porte s’ouvre. Et Ed ne sort jamais de cette maison qui lui ressemble. D’ailleurs - merci Freud -, le plafond troué symbolise son Surmoi, sa conscience omniprésente qui lui rappelle qu’il n’est pas un type bien, et la cave représente le ça, le centre obscur de toutes ses pulsions qui se remplit littéralement de la substance d’Ed.
L’intelligence de Michael Walker scénariste est de ne pas en être resté à cette translation somme toute simpliste. Les personnages secondaires sont également des manifestations du Surmoi ou du ça : l’inspecteur Derm (Gil Bellows, ex-d’Ally McBeal) pour la morale, la loi et le calme ; Sadie (Emily Bergl, vue dans Carrie, la haine) pour les pulsions sexuelles, l’amant de sa femme pour les pulsions meurtrières. Attardons-nous juste un instant sur le titre original, plus chargé de sens que sa traduction, Chasing Sleep. Ed Saxon cherche le repos, il cherche la tranquillité d’une vie sans problèmes, avec une femme qui l’aime, un éditeur qui l’édite, des étudiants qui l’écoutent... Peut-être cherche-t-il le repos, voire la rédemption pour l’éventuel meurtre de sa femme. En tout cas, il cherche à se débarrasser des messages incessants de sa conscience. Par tous les moyens, même les plus dingues.
Le fantastique pur reste rare : pendant plus d’une demi-heure, tout se passe dans un univers "normal". Ed fait ce que n’importe qui ferait quand Moumoune découche. A moins que le pétage de plombs ne soit antérieur au début de la narration. A ce propos, Michael Walker, qui a décidément tout compris, préfère conserver le mystère. Il y a juste un truc que Michael Walker semble avoir négligé. S’il maîtrise parfaitement la grammaire du cinéma, comme ses maîtres, à aucun moment, pendant Insomnies, on ne sent la patte indélébile d’un auteur. C’est dommage car il n’y a rien à jeter dans ce film. Si ce n’est cette constante impression de "déjà vu quelque part". Il semble que le bon petit film bien ficelé et dépourvu d’âme soit en passe de devenir un genre à part entière. A suivre ?