Carthage sera détruite

Pierre BARBET (1925-1995)

France, 1984

Fleuve Noir, coll. "Anticipation", 192 p.

Avec ce second volet des aventures de l’agent temporel Setni, Pierre Barbet s’autorise davantage de liberté, moins contraint qu’il est par l’histoire réellement existante de la seconde guerre punique telle qu’elle était majoritairement exposée dans Rome doit être détruite.

On est ici de plein pied dans l’uchronie, avec les derniers affrontements entre Carthaginois et Romains, les frères Scipion étant les ultimes résistants en Espagne d’une civilisation déchue. Il faut dire que Setni et ses anciens adversaires devenus associés disposent d’une science avancée dont ils font partiellement profiter le camp punique. De peur que les ténèbres… est ici dépassé, puisque feux grégeois, voiles supplémentaires, jusqu’à un moteur atomique pour les bateaux, sont mis à contribution, sans oublier les connaissances cosmologiques dont Setni fait généreusement profiter ses interlocuteurs. Ce dernier décide même de se lancer dans une expédition vers l’Amérique, sur les traces d’un mythique navigateur carthaginois, digne d’Hannon ou d’Himilcon.

On touche toutefois là à une des limites du roman, au demeurant fort plaisant, le caractère par trop invincible des transfuges du futur. Leur appareillage technologique est tellement perfectionné qu’il leur permet de déjouer par avance toute tentative de complot, sans que le lecteur ne frissonne jamais pour leur vie. Autre élément discutable, l’objectif des visiteurs temporels : régénérer leur race (sic) en la croisant avec des humains de cette époque ne peut avoir un intérêt que si l’ensemble de cette population est ensuite transférée dans l’avenir où ce déclin démographique sévit, l’Amérique n’étant qu’une étape temporaire ; mais comment espérer déjouer la surveillance des Grands Cerveaux ? La découverte d’une trace d’un autre voyageur temporel dans un souterrain de Carthage est d’ailleurs un élément générateur de suspense, qui n’empêche malheureusement pas la fin d’être précipitée, voire bâclée (quelle rapidité dans la reconstruction de la trame temporelle !). Dommage, car un troisième volet poursuivant la même intrigue n’aurait sans doute pas été de trop [1] .