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Rive gauche : métro Paris 2033
dimanche 24 mai 2020, par
Pierre BORDAGE (1955-)
France, 2020
L’Atalante, coll. "La Dentelle du Cygne", 434 p.
Avec son roman Métro 2033 (prolongé ensuite en trilogie), le russe Dmitry Glukhovsky a créé un véritable phénomène. Son univers a en effet été décliné sous forme de jeu vidéo, de jeu de société (à quand le jeu de rôles ?), mais surtout d’une véritable galaxie littéraire. Outre de nouveaux romans situés sous d’autres métropoles russes (citons le diptyque Vers la lumière / Vers les ténèbres d’Andreï Dyakov, paru chez L’Atalante et prochainement chroniqué sur Wagoo), des auteurs européens se sont emparés du concept pour en proposer des variantes italiennes, polonaises, britanniques…
C’est désormais au tour de la France d’être honorée, la responsabilité en incombant à une de nos références nationales en matière d’imaginaire, Pierre Bordage. De surcroît, Rive gauche initie une trilogie centrée logiquement sur le réseau du métro parisien. Sur le plan narratif, le récit alterne entre les pérégrinations du jeune Juss et de sa protégée Plaisance, membres d’une bande de nomades récupérant tout ce qu’ils peuvent négocier dans les méandres du sous-sol ; le voyage de la Madone de Bac, une des dirigeantes de ce monde troglodyte, désireuse d’unifier sa myriade de stations ; les agissements du pasteur Pran, hiérarque de l’Eglise de l’Elévation, au cœur de luttes de pouvoir, et les pérégrinations de sa favorite du moment, la belle Aube.
Tous ceux qui sont familiers de la trilogie originelle de Métro 2033 retrouveront une ambiance connue, faite de débrouille individuelle, de survie à tout prix, de violence permanente et ordinaire, de dangers multiformes et d’identités contrastées suivant les stations. Quelques éléments propres à la géographie parisienne complexifient les enjeux, la présence de la Seine (comme moyen de défense ou refuge d’un mystérieux Maître du temps) et les multiples cavités qui y existent en étant parfois reliées au métro (catacombes, parkings souterrains, égouts, etc…).
Là où Bordage apporte davantage de sa personnalité, c’est sur les enjeux qui agitent tout le réseau de cette rive gauche (la rive droite constituant pour l’heure un véritable repoussoir, terra nullius et sauvage). Une religion exclusive, celle de l’Elévation, autour du père Soleil et de la mère Lune, cherche en effet à s’imposer à l’ensemble des habitants, ce qui permet à l’auteur d’opposer l’intolérance et le fanatisme de ce culte à une liberté capable de surmonter le particularisme des stations et d’accepter les différences, celles des mutants en particulier (nyctalopes ou enfants dotés de pouvoirs mentaux). Dans le même ordre d’idées, une démocratie corrompue et vidée de sa signification première, celle des conseils des stations, sera peut-être revivifiée par l’action de Madone et de ses partisans, adeptes d’une révolution et d’un rapport direct au peuple.