TENET

Christopher NOLAN (1970-)

Etats-Unis, 2020

John David Washington, Robert Pattinson, Kenneth Branagh, Elizabeth Debicki, Dimple Kapadia

En anglais « tenet » signifie principe. C’est un palindrome (et pas qu’en anglais), et, justement Tenet, c’est le principe du palindrome. Qui d’autre que Christopher Nolan, déjà réalisateur des cérébraux Inception et Interstellar aurait pu avoir une telle idée et assez d’influence auprès des studios pour financer son projet ?

Un agent de la CIA participe à une mission au beau milieu d’une prise d’otages à l’opéra de Kiev. Sa ténacité lui vaut d’être engagé sur une mission dont l’enjeu n’est rien moins que le sort du monde : il apparaît de plus en plus d’objets obéissant à une chronologie inversée et remontant le cours du temps, l’augmentation de leur occurrence suggérant une catastrophe future, une Troisième Guerre mondiale nucléaire. Pour déjouer la menace, le protagoniste se voit secondé par un autre agent, Neil, aux compétences multiples et son enquête, de Mumbaï à Tallinn en passant par Oslo, l’amène à se rapprocher de Kathrine Barton, épouse malheureuse d’Andrei Sator, un trafiquant d’armes qui maîtrise une technologie lui permettant d’aller à contre-courant du temps.

Comment dire ? A un moment assez avancé dans le film, un des personnages suggère à notre héros de ne pas monter dans l’hélicoptère s’il ne sait penser que linéairement. Je suis tenté d’élargir le conseil : si vous ne voulez pas essayer de penser autrement que linéairement (je n’ai pas la prétention d’y être parvenu), ne regardez pas Tenet.

Déjà Interstellar, projet dans lequel l’avait embarqué son scénariste de frère Jonathan, Christopher Nolan avait montré son goût pour les théories physiques audacieuses. L’une des sources de Tenet réside, paraît-il, dans les théories de Wheeler et Feynmann sur la symétrie des solutions aux équations du champs électromagnétique notamment. Utilisées et transposées au cinéma par un réalisateur ayant un goût prononcé pour le capilotractage, cela donne dans le film un homme qui fait demi-tour dans le temps et remonte la trame qui s’achève à une date antérieure à celle à laquelle elle a commencé. En gros, et tant pis pour le divulgachâge, tout est déjà fini quand ça n’a pas encore commencé et, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué. Une idée à laquelle j’adhère pleinement et souvent.

Aussi cérébral qu’il puisse être, Tenet a toutes les caractéristiques d’un film d’action, mais constitue aussi une parodie à peine déguisée de James Bond, puisqu’il s’agit rien de moins que du sauvetage du monde d’un complot ourdi de longue haleine et mis en oeuvre par un méchant bien déjanté (Kenneth Branagh) grâce à un agent dont on ne connaîtra jamais le nom, en totale opposition donc de 007 qui n’a de cesse de se présenter.

Et ce n’est pas le seul trait d’esprit qui hante le film, puisque son titre même renvoie aux carrés sator qui associe cinq palindromes de cinq lettres chacun, permettant ainsi d’être lu dans tous les sens et dans lequel le mot tenet - il tient en latin - occupe la place centrale. Or, on remarque que les autres mots apparaissent aussi dans le film : Sator est le nom du trafiquant ; Arepo, celui d’un artiste proche de Kat Barton ; le film débute dans un opéra ; pour finir, Rotas est le nom de la société fabriquant les inverseurs temporels, baptisé « tourniquet ».

Le carré sator d’Oppède, Vaucluse.

Christopher Nolan, ou son équipe, ont poussé le vice jusqu’à faire référence au physicien John Wheeler (1911-2008), spécialiste des trous noirs, en donnant son nom à un personnage secondaire. Gageons que d’autres clins d’œil figurent dans le film. Un prétexte comme un autre pour le regarder une deuxième fois... sauf que nul n’est besoin d’un prétexte : la complexité de son scénario donne envie de le regarder une deuxième fois !