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JOHNNY MNEMONIC

1999, par Le Prion Fou

Robert LONGO (1953-)

Etats-Unis, 1995

Keanu Reeves, Dina Meyer, Dolph Lundgren, Ice T., Takeshi Kitano.

Il y a des jours où tout va mal : votre pourri d’employeur refuse de vous payer, vous êtes obligé de vous infliger une hémorragie cérébrale pour doubler la capacité de votre implant mnémonique, et vos clients se font trucider par les Yakusas avant d’avoir pu envoyer à leur correspondants la totalité des codes permettant le retrait des données qui sont en train de vous détruire le cerveau. Bref, le seul moyen de vous en tirer à part la recette japonaise (tout couper), c’est de sauver le monde. L’enfer, quoi...

L’adaptation de cette génialissime nouvelle de Gibson (in Gravé sur Chrome) se devait d’être un chef d’oeuvre ou un nanar. Comme vous vous en doutez, c’est la deuxième option qui a prévalu, et nous n’oserions même pas vous en parler si le plantage en lui-même n’était pas porteur d’enseignements...

Le premier quart d’heure est en tous cas splendide, une superbe introduction à l’univers cyberpunk, mélange d’images numériques et de scènes dans un Pékin futuriste et ultra-capitaliste qui rappellent les films noirs des années 1930-40. Reeves traversant la manifestation apparaît comme un héros romantique, émergeant de la tempête pour affronter un terrible destin. Du grand art...

Mais ça se gâte presque tout de suite. Keanu s’ingère les fichiers piratés dans une scène tellement bourrée de gadgets crédibles que les scénaristes de Star Trek ont dû en avaler leur neurone positronique, puis les tueurs débarquent, et on se retrouve dans une série B, du Ed Wood qui se prendrait mortellement au sérieux. Lundgren se fait plaisir en plagiant Terminator sans vergogne (c’est à se demander comment Longo a pu éviter un procès de la part de Cameron, tant c’est évident), Dina Meyer fait des crises de cyber-épilepsie en-veux-tu-en-voilà (ça c’est du trucage...), et ça serait du Rambo si il y avait un tant soit peu d’action en plus. L’apothéose du film ne nous épargne rien, ni une IA larmoyante qui n’existait pas dans la nouvelle et semble coupée-collée hors de Neuromancien, ni des scènes d’"humour" potache, ni des combats qui seraient franchement ridicules si on n’assistait pas à bien pire en même temps, des images numériques kitschissimes où la part belle est faite à un dauphin/pirate informatique qui est à peu près aussi réaliste que mon canard de bain en plastique jaune. Mais heureusement à la fin le monde est sauvé, le beau Keanu et sa donzelle aussi, l’ami Flipper en carton-pâte a bien mérité ses sardines, et il ne nous reste plus qu’à rembobiner la cassette en pleurant nos dix balles de location.

Je pense que la richesse de la nouvelle tenait essentiellement à Molly, la femme-tigre qui est un personnage récurrent de l’oeuvre de Gibson, et qui gagnait là un peu de profondeur. En son absence (une autre maison de production, Cabana Boys Production, avait acquis les droits de Neuromancien et de tous ses personnages, dont elle), la seule option logique était en effet de développer la personnalité de Johnny, ce qui a été complètement bâclé ici. Pourquoi ?

1. Il y a surabondance de personnages. Aucun ne peut par conséquent exposer son caractère, et provoquer une identification du spectateur.

2. Ces personnages n’ont aucun rapport entre eux, et quand ils pourraient en établir un, ils le rompent : l’IA et le directeur des labos, Johnny et Dina Meyer (vous vous rendez compte qu’ils ne couchent pas ?), ni aucun des autres (Lundgren est excusé, mais pourquoi Ice T. est-il aussi fade ?). Dès lors, la possibilité pour Johnny de développer son personnage, dont la caractéristique principale est qu’il n’a pas d’histoire (puisque son implant mémoriel a remplacé ses souvenirs d’enfance), est condamnée à l’échec, puisqu’on imagine mal comment il pourrait exister par lui-même plutôt qu’en réaction avec les autres.

Bref, un nanar à louer pour le premier quart d’heure, ou à éviter.

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