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LES INHUMAINS
dimanche 4 avril 2021, par
Créateur : Scott BUCK
Etats-Unis, 2017, Marvel’s Inhumans
Anson Mount, Iwan Rheon, Serinda Swan, Ken Leung, Eme Ikwuakor, Isabelle Cornish, Ellen Woglom
En 2017, la compagnie Marvel et son propriétaire Disney multiplient les projets télévisuels qui sont encore pour l’instant diffusés sur des chaînes ou des plateformes clientes ou filiales : aux quatre séries [1] existantes vont se rajouter pour cette seule année cinq autres séries soit autant que tout ce qui a déjà été créé, parmi elles Les Inhumains [2], série diffusée sur ABC, après une introduction en 2014 dans le 10ème épisode de la deuxième saison de la série Agents du SHIELD diffusée sur la même chaîne qui est une filiale de Disney Company.
A l’origine les Inhumains sont une création de Kirby et Lee pour un épisode des Fantastiques en 1965. Il s’agit, sur une thématique très caractéristique de Kirby qu’il réutilisera chez DC dans sa saga du Quatrième monde, d’un peuple d’êtres supérieurs, des demi-dieux, qui a fuit l’humanité pour finir par trouver refuge sur la Lune y fondant la cité d’Attilan. Créée par Scott Buck, la série respecte les éléments posés par le comics. Ainsi les personnages sont les mêmes : Black Bolt (Flèche noire dans la version française) est le roi silencieux - il ne peut parler sans provoquer une onde sonore dévastatrice - qui règne sur son peuple aux côtés de sa femme, Médusa. Il est jalousé par Maximus, son frère dénué de pouvoir, mais il a le soutien de ses cousins Gorgone, Karnak et Triton ou de sa belle-soeur Crystal.
La série s’ouvre sur les manigances de Maximus pour pousser les Inhumains à revenir sur Terre et prendre le pouvoir. Par un habile coup d’état auquel la famille royale n’échappe in extremis qu’en se faisant téléporter sur Terre par le chien géant Gueule d’Or, Maximus prend le contrôle d’Attilan et présente son frère comme un tyran peu soucieux du bien de son peuple. De fait, tous les Inhumains ne sont pas égaux, et quand certains se voient dotés de pouvoirs à la suite d’une exposition à la Tératogène, d’autres, sans pouvoirs ou avec des caractéristiques mineures, ne vivent qu’en exploitant les mines lunaires.
Avec de forts accents shakespeariens - difficile de ne pas associer Richard III et Maximus, les deux ayant des différences physiques qui les marginalisent par rapport à leurs semblables - doublé de la culpabilité qui travaillent les personnages des tragédies grecques - Flèche Noire a accidentellement tué ses parents - Les Inhumains avait un fort potentiel, d’autant que sur ces thèmes classiques vient se superposer celui du racisme avec la différence entre être supérieur et simple humain. Hélas, si une réflexion sur le pouvoir s’esquisse, elle n’aboutit pas vraiment. De plus, le choix, financier, de planter le décor terrestre à Hawaï procurait quelques images paradisiaques et une excellente campagne pour le tourisme de l’archipel, mais n’est pas exploité pour apporter une réelle plus-value à l’intrigue comme La Nouvelle-Orléans le sera pour Cloak and Dagger.
Las, le scénario se perd, peut-être parce que les créateurs pensaient disposer d’un peu plus de temps pour planter leur histoire. Sur huit épisodes, une bonne moitié voit les personnages, dispersés sur Oahu, se chercher mutuellement. Qui plus est ces inhumains sont un peu en perdition : Médusa a été tondue et est ainsi privée de sa chevelure tentaculaire ; Flèche Noire ne peut parler sans déclencher une catastrophe (de fait son pouvoir ne sera montré que trois fois dans la série) ; Karnak, pendant marvelien des mentors de Dune, est perturbé par un traumatisme crânien ; Gorgone, incarnation de la force brute, voit ses compétences martiales déjouées par une opposition plus forte que lui. Voir des héros en situation de faiblesse n’est pas exceptionnel ; ce qui l’est davantage c’est de les voir ainsi pendant 70% du show !
Reste le plus inhumain : le jeu des acteurs. Si Serinda Swan (Médusa), Ken Leung (Karnak), Isabelle Cornish (Crystal) ou Eme Ikwakor (Gorgone) s’en sortent convenablement, on ne saurait en dire autant de Anson Mount (Flèche Noire) ou Ellen Woglom qui interprète Louise, une scientifique terrienne venant en aide à Médusa. Le premier n’avait certes pas partie facile, devant composer le rôle d’un personnage muet. La tâche était trop dure pour lui et sans doute la production n’aurait pas dû le laisser construire son propre langage des signes (en tout cas, elle ne devrait pas l’avancer comme élément de valorisation) ou alors il faudrait féliciter Médusa pour sa capacité à comprendre des choses complexes à partir de signes... qui sont souvent les mêmes ! Qui plus est, l’acteur présente une expression faciale qui tient plus du comique que du tragique et n’évoque en rien l’impassibilité proverbiale de son alter ego des comics. Ellen Woglom, pour sa part, a un jeu tout en mimique qui appartient davantage au genre des sitcom et qui n’a rien de naturel. Quant à Iwan Rheon (Maximus), il est égal à lui-même, dans un personnage retors et cruel qui rappelle Ramsay Bolton qu’il incarnait encore l’année précédente dans Game of Thrones. Le musicien gallois devrait prendre garde à ne pas se laisser enfermer dans ce type de personnage s’il veut voir sa carrière d’acteur évoluer.
Diffusée de septembre à novembre 2017, la série n’est officiellement pas reconduite par ABC en mai 2018, en dépit des allusions à une grande menace dans le dernier épisode. Ce n’est pas vraiment une surprise et ce n’est assurément pas une grosse perte. Malheureusement pour la compagnie Marvel, trois autres séries sur les cinq initiées en 2017 connaissent aussi un destin funeste, étant au mieux annulées à l’issue de leurs secondes saisons.
[1] Agents du SHIELD depuis 2014, Daredevil et Jessica Jones depuis 2015, et Luke Cage depuis 2016. Une cinquième série, Agent Carter n’a vécu que deux saisons en 2015-2016.
[2] Les quatre autres sont Iron Fist, The Defenders, The Punisher et Runaways