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L’espace, le temps et l’au-delà
dimanche 11 juillet 2021, par
Bruno POCHESCI (1970-)
France, 2019
Flatland, 282 p., préface de Jean-Pierre Fontana.
Bruno Pochesci est bien connu des auteurs de Galaxies et de Géante rouge, où il a publié plusieurs nouvelles. Pourtant, l’homme n’écrit que depuis moins d’une décennie, semblant vouloir rattraper le temps perdu en multipliant les textes. Loin toutefois de privilégier la quantité sur la qualité, Bruno Pochesci a su très rapidement acquérir un style, une personnalité, faite d’une écriture volontiers rabelaisienne, où les jeux sur le langage et les jeux de mots tout court côtoient l’expression débridée des sensations et du sexe (ah, le si sensuel « Entrée-plat-dessert » !). L’espace, le temps et au-delà compile quatorze nouvelles, publiées sur divers supports à l’exception d’une inédite, et relevant toutes de la science-fiction (L’amour, la mort et le reste, chez Malpertuis, en constituant le pendant fantastique).
Toujours alerte, le style caractéristique de l’auteur, riche en détails, en références diverses et en trouvailles lexicales, profondément cosmopolite dans l’inspiration et le transgenre, aborde tous les sujets avec légèreté. L’humour comme clef de lecture du réel, car rien n’a d’importance sinon la jouissance des sens. « Virtuose », récipiendaire du prix Alain Le Bussy, concentre d’emblée le sel des univers pochesciens : des personnages transpirant d’authenticité, une combinaison des échelles pour un propos à la fois intime et universel, et l’originalité de deux transhumanistes en actes forcés de retrouver une forme d’authenticité et de fragilité. « La gare de Perpignan », lui, dévoile toute la démesure dont est capable Bruno Pochesci, évoquant Douglas Adams. Irrésistible, également, cette version alternative et délirante des Dix petits nègres, aux personnages hauts en couleurs (« Dix petits warps »).
« La fille des vents » fait partie des textes qui m’ont le plus frappés : jouant sur le principe classique de l’inversion, il permet une condamnation tellement évidente de la politique migratoire des pays occidentaux… « Le moins pire des mondes », utopie candide du « faites l’amour pas la guerre », ou « Aslexia maxima », description d’un avenir où toute écriture disparaît, un retour à un mode de vie préhistorique, sont aussi des réflexions de nature politique. On trouve également dans ce recueil une histoire de fin du monde presqu’ordinaire, passant par une forme de boulimie charnelle (« Le prochain drink »), une autre pleine d’ironie où c’est la copulation envers et contre tout qui sauve l’espèce (« Le syndrome islandais »), une variation sur le thème du Monde du fleuve de Philip José Farmer (« Huit clos pour huit clones », ou comment l’humain échappe à tout déterminisme génétique), un voyage temporel bigger than life (« La porte, la pendule et le perce-temps ») et une pochade sur un espace empli de vie (« Du rififi dans la ceinture de Kuiper »). Bref, de quoi éviter l’ennui et vous donner le sourire.