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Un âge de cristal
dimanche 14 novembre 2021, par
William Henry HUDSON (1841-1922)
Royaume-Uni, 1887
Les Moutons électriques, coll. « Le Rayon vert », 2019, 202 p., traduction de Luc Lavayssière.
William Henry Hudson est une institution au Royaume-Uni : un pied en Argentine (où il est né), l’autre en terre britannique (d’où ses parents étaient originaires et où il a lui-même vécu à compter de 1869), il fait partie des écrivains les plus réputés, chantre du roman naturaliste. Si Vertes demeures (1904), son roman le plus connu, est disponible en France depuis longtemps – il a d’ailleurs été réédité en 2019 chez Klincksieck – il n’en était pas de même pour Un âge de cristal, seule incursion de l’auteur dans la romance scientifique (pour reprendre la dénomination des romans de Wells).
Le narrateur, un petit-bourgeois britannique, se retrouve, par un procédé ayant tout de la magie, plongé dans une catatonie millénaire à la suite d’une chute en pleine campagne anglaise. A son réveil, il découvre un monde totalement différent du sien. Plus aucune ville n’existe, y compris dans les mémoires des habitants, et le paysage est dominé par une nature exubérante et bienveillante. La rencontre avec une communauté autochtone provoque une succession d’incompréhensions et de quiproquos, tant le contraste entre le XIXe siècle victorien et cet avenir situé plus de 10 000 ans en aval est radical. Mais le narrateur s’attache très vite à une ravissante jeune femme, qui va lui rendre le dépaysement plus tolérable. La prose d’Hudson est à la fois pointilliste et empathique, emportant le lecteur avec la douceur d’une brise printanière.
Le futur qu’il décrit est profondément romantique, réaction contre l’industrialisation et ses ravages sur l’homme et la nature. L’humanité, décimée par une étrange pandémie, s’est reconstruite à un niveau démographique moindre, autour de demeures familiales dispersées dans une campagne bucolique. Comme autrefois, les communautés qui y vivent composent une famille large, et chaque demeure, unique, est une véritable œuvre d’art. Chacun contribue à la mesure de ses capacités, dans cette société où l’argent a totalement disparu et où frugalité et simplicité sont les valeurs premières du mode de vie. Il y a, dans cette vision paradisiaque – aussi pure que le cristal du titre – une forme de retour à l’éden d’avant la Chute, avec ce que cela suppose de sacrifices par rapport à la succession des civilisations connues. On saisit également, à la lecture d’Un âge de cristal, la proximité qu’il y a entre William Henry Hudson et William Morris, auteur quelques années plus tard de Nouvelles de nulle-part, autre utopie pastorale et artisanale autrement plus connue.
Edité pour l’heure dans une série limitée, on ne peut qu’espérer qu’Un âge de cristal bénéficie ultérieurement d’une plus grande diffusion : à une époque comme la nôtre, où l’écologie est cardinale et les perspectives d’alternatives parfois brumeuses, sa lecture est salutaire.