Accueil > CINECSTASY > D > DON’T LOOK UP : DENI COSMIQUE
DON’T LOOK UP : DENI COSMIQUE
dimanche 30 janvier 2022, par
Adam MCKAY (1968-)
Etats-Unis, 2021
Avec Leonardo DiCaprio, Jennifer Lawrence, Meryl Streep, Cate Blanchett, Timothée Chalamet, Ron Perlman, Ariana Grande.
Don’t Look Up est un film phénomène. Marqueur de l’évolution de la production filmique – il a en effet été commandé par Netflix, sans passer par la case cinéma, alors qu’il a tout des grands – il a surtout engendré une avalanche de réactions dans le public, tant il braquait sur nous un miroir à peine déformant de notre réalité. Le sujet est à la fois simple et classique en science-fiction (citons seulement Armageddon ou Deep Impact) : un professeur en astronomie et une de ses doctorantes découvrent une comète, dont les calculs montrent qu’elle va entrer en collision avec la Terre dans environ six mois. Mais il est ici traité sur le mode de la satire grinçante.
Passons sur la nature exacte de l’astre en question – plutôt qu’à une comète, il ressemble bigrement à un astéroïde – pour nous concentrer sur la suite. Les deux scientifiques cherchent en effet à alerter les autorités de leur pays sur la gravité de l’enjeu. Mais ils se heurtent à une présidence d’abord sceptique et concentrée sur des querelles politiciennes, puis désireuse de tirer profit des formidables ressources en terres rares contenues dans le « tueur de planètes ». Quant aux journalistes, de presse ou télévisuels, ils offrent certes une plateforme aux lanceurs d’alerte, mais c’est pour mieux ensuite tourner en dérision l’alarmisme de l’une, et récupérer l’autre à l’aide du sexe et du hochet du pouvoir.
Don’t Look Up est une véritable bombe à fragmentation. Il déploie en effet des critiques tous azimuts : les pouvoirs politiques, Meryl Streep incarnant une Trump femelle particulièrement convaincante, mais aussi le népotisme, la mesquinerie des positions de pouvoir et le patriotisme outrancier ; les pouvoirs économiques, le patron de Basch, caricature délicieuse et féroce d’Elon Musk, ne jurant que par la technologie et le profit (il est explicitement présenté comme ayant la présidente à sa botte, injectant de la sorte une véritable critique marxiste du système capitaliste !) ; les réseaux sociaux et les médias, encourageant le superficiel, les enjeux misérables (les relations amoureuses entre une chanteuse – Ariana Grande bluffante – et son compagnon) et le complotisme.
La métaphore crève évidemment les yeux. C’est du déni climatique que traite le film, et surtout de l’absence de réactions d’envergure face à la crise dans laquelle nous sommes déjà entrés. Le final combine une fin du monde devenue inévitable, abordée sereinement (et religieusement, un des rares domaines échappant finalement à la critique, tout comme la famille, réunie par-delà les tromperies) par les principaux protagonistes positifs, ultime avertissement ; et une fuite des nantis dans un vaisseau spatial atterrissant dans un paradis qui n’en est finalement pas un. Servi par un casting de rêve, dont on retiendra particulièrement Leonardo DiCaprio en astronome has been et Cate Blanchett en incroyable journaliste croqueuse d’hommes, Don’t Look Up se veut électrochoc, conjuration d’une apocalypse rampante à laquelle il ne manque finalement que les solutions…