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Wastburg
dimanche 3 juillet 2022, par
Cédric FERRAND (1976-)
France, 2011
ActuSF, 2022, 357 p.
Wastburg : un nom qui sonne comme un glaviot ne demandant qu’à être éjecté de sa matrice buccale. Et une ville qui le vaut bien. Pour son premier roman, Cédric Ferrand a en effet imaginé une métropole interlope, zone frontière entre deux pays antagonistes, la Loritanie et le Waelmstat.
Installée dans le delta d’un fleuve, elle rassemble une population cosmopolite, qui vit ou survit d’activités plus ou moins licites, non sans discriminations (les Loritains sont nettement moins bien considérés, jouant le rôle de nos immigrés de culture musulmane). La magie n’y est plus qu’un lointain souvenir, depuis la Déglingue et la perte des pouvoirs de leurs anciens détenteurs ; la seule trace de ce temps passé ? Des maladies congénitales et une tour abandonnée profondément répulsive. Pour contrôler tout ce laid monde, l’administration de la cité salarie une Garde qui s’accommode à divers degrés de la délinquance chronique, moyennant quelques petits arrangements financiers.
On ne sera donc pas surpris de constater, dans ce livre, l’absence de héros, ou même de personnage principal. À la place, Cédric Ferrand nous livre des tableaux de vie et de mort, des instantanés de la débrouille à Wastburg la ville franche : trafiquants amateurs dont certains finissent mal, casseur de grève prêt à trahir les siens pour de l’argent, prévôt alcoolique déterminé à élucider le mystère qui se dissimule chez un des maesters de la ville, enlèvement de nature très politique, machinations diverses. Au fil des chapitres, on retrouve quelques personnages récurrents, sans qu’ils ne soient pour autant à l’abri de coups bas ou de coups durs, l’historique de chacun étant généralement longuement exposé.
Ce faisant, le lecteur en apprend beaucoup sur les traditions et les coutumes de la ville, telle la porchaison, un lancer de cochons enduits d’huile que les habitants doivent tenter d’attraper, ou le fonctionnement de la justice, avec son tribunal situé en plein théâtre. Il visite également certains de ses lieux emblématiques, le pont reliant Wastburg au Waelmstat, la Purge, prison particulièrement sordide, ou le seul cimetière restant de la ville. Le ton est charnel, privilégiant les humeurs du corps et de la ville, sa crasse, ses déchets, ses défauts et ses tares, un ton familier et un humour noir, également. À cet égard, l’écriture use assez largement de l’argot et d’un registre familier qui convient parfaitement à l’univers choisi. On est ici très loin d’un Tolkien, plus proche finalement de La Compagnie noire de Glenn Cook.
Il est également à noter que Wastburg a fait l’objet d’une adaptation sous forme de jeu de rôle chez les XII Singes, d’abord en 2013 dans une première édition bien achalandée, puis récemment sous la forme d’une deuxième encore plus aboutie (visuellement en particulier). On peut y jouer un membre de la Garde ou un malfrat, et ceux qui ont pris plaisir à la lecture du roman y trouveront assurément de quoi le prolonger.