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KWAIDAN

dimanche 17 mars 2002, par von Bek

Masaki KOBAYASHI (1916-1996)

Japon, 1964, Kaidan

Rentaro Mikuni, Michiko Aratama, Keiko Kishi, Tatsuya Nakadai, Katsuo Nakamuar

Tout comme Les contes de la lune vague après la pluie, qui reçut le lion d’argent à Venise en 1953, Kwaidan est une adaptation de contes fantastiques, mais loin de l’agitation du premier, le second constitue une adaptation maniérée et froide confondant lenteur et solennité, ce qui plût au jury du festival de Cannes de 1965 qui octroya à son réalisateur, pour la deuxième fois après Harakiri en 1963, son prix spécial. Et spécial est bien le mot qui, avec l’adjectif ennuyeux, définit le mieux cette production japonaise très différente du kitsch des films de science-fiction des années soixante et soixante-dix. Il est vrai cependant que les membres du jury ne virent que trois des quatre contes, dans une version ainsi diminuée d’un tiers de son temps ! Il est vrai aussi que le réalisateur détient sans doute la palme du plus long film de fiction romanesque avec les 9 h 45 de Pas de plus grand amour (1959).

La première originalité de ces histoires résident dans leur auteur qui s’appelle Koisumi Yakumo (1850-1904), patronyme japonais s’il en est, né Lafcadio Hearns - là, ce n’est plus japonais - d’origine hélèno-irlandaise, élevé chez les Jésuites - ce qui peut expliquer bien des aspects de Kwaidan, à commencer par son étrangeté et son intellectualisme voilé - avant de devenir journaliste aux États-Unis puis d’émigrer au Japon. Est-ce une réminiscence de saint François-Xavier ou sa poésie qui conduisirent Lafcadio Hearns à tomber amoureux du pays du soleil levant au point de s’y marier et d’en adopter - chose rare - la nationalité ? Toujours est-il que ces écrits rencontrèrent un vif succès et que, si l’adaptation de Kobayashi en est fidèle, ils sont plus japonais que les Japonais aux yeux d’un gaijin.

Illusion met en scène les remords d’un samouraï envers la femme qu’il a répudiée pour aller chercher fortune dans un autre lieu et un autre mariage. Harcelé par sa conscience, il revient chez lui après une absence de plusieurs années et pense retrouver son épouse telle qu’il l’avait quittée. Après une nuit passée auprès de sa bien aimée, les choses lui apparaissent bien différentes.

Le bonheur matrimonial occupe aussi une place centrale de Yuki Onha, le deuxième des contes. Perdus dans le blizzard hivernal, deux bûcherons se réfugient dans une cabane et reçoivent la visite d’une étrange femme en blanc qui absorbe la vie du plus vieux mais épargne celle du plus jeune avant de disparaître dans la neige, non sans avoir menacé de mort le survivant s’il venait à parler à quiconque des événements. Rentré chez sa mère, il fait la connaissance peu après de la charmante Yuki, qu’il épouse et qui lui donne trois enfants. Ayant vécu dix ans de bonheur conjugal, il se remémore les événements passés et les raconte à sa tendre épouse. Mal lui en pris ! Cette histoire ne figure pas dans la version occidentale de 1965.

L’histoire de Mimi-Nashi Hoichi, jeune barde aveugle jouant avec talent de la biwa - sorte d’instrument équivalent à une vitre et un papier de verre en Europe -, renoue avec les fantômes tout en plongeant dans les proverbiales guerres féodales japonaises, en l’occurence, la bataille navale de Dan-no-Ura (mars 1185). Les âmes du clan battu reviennent hanter un temple bouddhiste construit sur la côte et sollicitent de Hoichi, ignorant à qui il a affaire, qu’il joue et chante pour elles. Le bonze tente de le soustraire à cette influence mortelle en le rendant invisible mais il oublie les oreilles, talon d’Achille d’Hoichi.

Bien que long - plus d’une heure - ce troisième récit est intéressant pour ses renvois historiques et littéraires. D’abord, il fait référence au Heike monogatari (ou Geste du clan Hei), première des grandes chroniques guérrières médiévales, à l’origine d’une culture populaire commune et ayant fortement influencé le théâtre par sa thématique comme par ses techniques de narration. Ensuite, il permet d’entrevoir la culture et l’histoire de l’archipel en narrant la chute du clan Taira (parfois appelé Hei).

Le récit suivant ramène le spectateur, du moins celui qui ne s’est pas encore endormi, en 1899. Un auteur tente d’expliquer pourquoi un récit reste inachevé et, outre des causes naturelles, il raconte l’histoire d’un samouraï qui voit dans sa coupe se refléter un visage autre que le sien. Le soir venu, pendant sa garde, le visage prend corps et vient le défier avant de disparaître, blessé ; pour dépêcher la nuit suivante, trois serviteurs. En dépit de sa virtuosité, le samouraï ne parvient pas à se débarasser des envoyés qui s’évaporent à volonté et ne souffrent en rien des blessures. Le récit s’achève là pour le samouraï au bord de la folie, mais pas pour l’auteur. Des quatre contes, Dans un bol de thé est le plus court et de loin le plus intéressant de par la mise en abyme qu’il suggère.

Au total, quatre moyens métrages mis bout-à-bout qui eussent pû être séparés, les rendant ainsi plus visibles, tant la lenteur des deux premiers et la longueur du troisième nuisent au maintien de l’attention du spectateur, déjà affaiblie par une réalisation qui semble appartenir davantage aux genres théâtraux japonais, No ou Kabuki, et qui rappelle les réalisations de la Nouvelle Vague alors montante, de laquelle Kobayashi et son compatriote Kurosawa sont, somme toute, très proches.

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