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LA LEGENDE DE ZU
dimanche 16 décembre 2001, par
Hark TSUI (1950-)
Hong Kong, 2001, Shu shan zheng zhuan
Ekin Cheng, Cecilia Cheung, Louis Koo, Samo Hung
Mine de rien les films qui réussissent vraiment à vous transporter dans un autre univers par leurs simple impact visuel sont plus rares qu’on veut bien le dire. On peut retenir Metropolis, Star Wars ou Blade Runner mais sorti de ces œuvres visionnaires (chacune à un niveau différent) il n’y a plus grand chose... C’est pourquoi la vision de Legend of Zu est une véritable claque ! Ca faisait longtemps qu’on ne s’était pas trouvé totalement transporté dans un vrai monde fantastique par la grâce des images, et vous savez quoi ? ça fait vraiment plaisir ! Pour replacer le film dans son contexte rappelons que Legend of Zu est la suite tardive (près de 20 ans de différences) de Zu, les Guerriers de la Montagne Magique un film qui avait commencé à faire connaître le cinéma Hong Kongais auprès de la critique et des cinéphiles du monde entier. Paradoxalement, le film s’était plutôt planté dans la colonie mais avait tout de même influencé par son style de nombreux œuvres postérieures. Maintenant que la suite est sortie depuis quelques temps à Hong Kong il est amusant de constater que l’histoire s’est répétée, Legend of Zu n’a pas fait un gros score au box office local mais a fait une très grosse impression sur les amateurs étrangers qui l’ont vus (dont votre serviteur).
Le royaume de Zu est une contrée magique protégé du mal par des ordres de preux chevalier. Mais le mal est de retour, le cruel Insomnia, véritable condensé d’énergies maléfiques, va tenter une nouvelle attaque sur Zu qui aboutit à la destruction d’un des ordres protecteurs. 200 ans plus tard, Insomnia lance encore une fois un nouvel assaut. King Sky le dernier survivant de l’ordre exterminé la fois précédente va s’allier au très sage " Long Sourcil " et ses élèves pour contrer la menace. La 1e bataille se passe bien pour eux puisqu’ils réussissent à repousser le danger dans sa cache, la caverne de sang. Mais l’ennemi est loin d’avoir dit son dernier mot et les représentants du bien vont devoir recourir aux techniques les plus dangereuses pour faire face à la menace.
Si Legend of Zu est aussi réussi c’est clairement grâce à son univers visuel extrêmement élaboré. C’est bien simple, le monde de Zu vit sous nos yeux ! C’est d’autant plus impressionnant qu’il s’agit d’un royaume à l’esthétique bien différente de nos habituels contrées occidentales ou paysages futuristes " Metropolisien ". Ici on pénètre dans de véritables fresques dignes des meilleurs artistes peintres chinois, colorées et chatoyantes, les montagnes de Zu sont un enchantement visuel de tous les instants. On pourrait tout a fait isoler le moindre plan et en tirer un poster qui pourrait sans problème rivaliser avec certains tableaux célèbres (bon je m’emballe peut être un peu mais c’est pour vous faire comprendre à quel point ce film est beau !). Pour parvenir à un tel résultat chaque plan a du être retouché à l’ordinateur ce qui a valu au film une post production de un an, et quand on voit le résultat on se dit que les Hong Kongais n’ont plus grand chose à envier aux USA (qui ont toujours été à la pointe) dans ce domaine. Non seulement le design général du film est fabuleux, regorgeant d’idées (les armes des différents personnages sont à la fois superbe visuellement et totalement inédites) mais Hark réussit en plus à injecter une véritable poésie à ses images, telle la mort du maître de King Sky dont le visage se disloque en petits morceaux tel du papier ou le vol des défenseurs de Zu laissant de longues traînées dans le ciel . Elément aussi important que l’image, la musique. C’est bien simple celle de Legend of Zu se hisse au niveau de l’incroyable débauche visuel. Utilisant un orchestre symphonique et divers instruments plus exotiques Ricky Ho nous compose une partition à la fois épique et intimiste, riche et colorée. Probablement une des meilleure musique de film Hong Kongais que j’ai pu entendre. Legend of Zu c’est donc la combinaison parfaite de ces 2 éléments, un véritable opéra d’image et de son, du cinéma à l’état pur.
Ce qui fait aussi plaisir, c’est que malgré l’énormité des moyens techniques déployés le film a conservé son identité Hong Kongaise. C’est évident quand on observe la narration : Ca va à 200 à l’heure ! Les événements s’enchaînent à une allure phénoménale, de nouvelles idées apparaissent toutes les minutes, des personnages font surface ou s’évaporent sans crier gare...C’est la folie ! Il faut toutefois reconnaître que un rythme aussi soutenu pendant tout le métrage peut poser problème pour les non habitués du cinéma de Hong Kong et il risquent l’indigestion face à autant de choses à la fois (si vous pensiez que Tigre et Dragon était représentatif des films HK c’est le moment de réaliser que c’est tout le contraire). Mais il s’agit d’un faux problème car c’est une simple question d’habitude, personnellement après en avoir bouffé un bon petit nombre je n’ai plus la moindre difficulté à suivre ce types de films speedés, au contraire même j’aurais tendance à en redemander ! A vous de voir donc si vous pensez être en mesure de suivre ce type de narration mais croyez moi l’effort en vaut la peine.
Par contre il faut bien reconnaître que l’histoire proprement dit et les personnages peuvent sembler un peu léger. En fait il faut vraiment considérer ces deux facteurs comme tenant lieu d’archétypes, on est dans un univers de conte de fée. L’enjeu premier du scénario est le classique affrontement du mal et du bien, le mal est mal et le bien est bien, on ne dépasse jamais ce credo, n’espérez pas la moindre explication sur les raisons de leurs alignements respectifs. Mais la subtilité vient qu’il existe de nombreuses sous intrigues parallèles aux enjeux bien plus profond sur les notions d’immortalité, d’amour ou du Yin et du Yang. Posant plus de questions que n’apportant de réponses, ces histoires accessoires complexifient et enrichissent le scénario ultra manichéen de Zu et le rendent bien plus intéressant qu’il ne peut apparaître au tout début. Quand aux personnages, chacun représente une idée, un concept : Insomnia est le mal à l’état pur, " Long Sourcil " la figure de l’autorité bienveillante (le père), Red est le courage et la loyauté... Des archétypes tout a fait adapté au monde magique de Zu. Seul véritable problème l’interprétation de certains membres du casting, Ekin Cheng toujours aussi figé ou Cecilia Cheung qui fait de son mieux mais a parfois un peu de mal. Heureusement on surmonte sans difficulté ce petit problème.
Legend of Zu est donc bien un spectacle de tous les instants, un émerveillement constant. Un chef d’œuvre. Et vous n’aurez bientôt plus d’excuse pour ne pas l’avoir vu car une sortie française est programmée. Espérons que Europa (la société de Besson qui distribue le film) ne fasse pas de coupes à une telle oeuvre...